Experts en Management
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Kirsten Burkhardt-Bourgeois, Université de Bourgogne – UBFC et Laurence Cohen, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3, Le 21 juin 2023
Trouver les moyens de se lancer et de croître constitue un enjeu clé pour les start-up. En conséquence, leur sort est lié à leur capacité à lever des fonds pour poursuivre leur développement. Différents types d’investisseurs peuvent intervenir : les business angels, souvent des anciens chefs d’entreprise ayant revendu leur affaire, apportent leurs fonds propres mais aussi une expertise ; les investisseurs en capital-risque (ou venture capitalists), généralement professionnel (banques, compagnies d’assurance, institutions financières, fonds d’investissement, etc.) cherchent eux, à rentabiliser leur investissement sur une période de 3 à 5 ans.
Si les business angels interviennent généralement en amont des capital-risqueurs dans les trajectoires de financement, il n’est pas rare de les voir intervenir en co-investissement. Or, les modes de fonctionnement et les objectifs étant différents, une coordination entre ces acteurs devient nécessaire. Un des risques soulevés par la littérature est en effet une mauvaise compréhension entre acteurs, pouvant mener à l’échec de la levée de fonds pour l’entrepreneur. Comme nous l’a confié un entrepreneur que nous avons rencontré dans le cadre de nos recherches :
« J’ai discuté avec des investisseurs pour préparer le tour de table de financement. Finalement, cela ne s’est pas fait, je n’étais pas une force d’entraînement car ce n’était pas mon domaine de compétence. Je n’avais pas de crédibilité auprès d’eux ».
Comment, dès lors, limiter ce risque d’échec ? Pour le savoir, nous avons cherché à identifier, dans une recherche récente, les compétences requises chez les différents partenaires pour parvenir au succès des levées de fonds malgré des objectifs divergents. Nous relevons notamment que ce succès est lié à la capacité à mettre en place une coordination efficace.
Nous avons étudié deux start-up de la région de Grenoble (Isère). La première dirigée par une équipe de trois personnes dont un entrepreneur expert et compétent dans le domaine de l’industrie, est spécialisée dans la micro-nanotechnologie et les textiles intelligents. La seconde, dirigée par un entrepreneur novice et sans expérience dans le domaine de la santé, est spécialisée dans la biotechnologie et l’imagerie de fluorescence.
Les deux start-up sont en relation avec le réseau de business angels de la région Rhône-Alpes Auvergne et des capital-risqueurs. Dans le premier cas, une structuration des différents investisseurs et le dirigeant-entrepreneur a été mise en place pour faciliter les interactions au travers l’établissement de règles et de normes communes.
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Les business angels ont notamment établi un pacte d’actionnaires similaire à celui des capital-risqueurs et ont obtenu un siège au conseil d’administration. Outre le poids dans la gouvernance de l’entreprise, cette représentation permet d’être au meilleur niveau d’information sur le devenir du projet et d’accompagner au mieux le dirigeant. Un représentant des business angels a apprécié cette initiative :
« On a eu la capacité d’être un acteur significatif en termes de montant et d’ambition, tout en étant aussi au même niveau que les capital-risqueurs en termes de droits, de représentation, de montants investis et, assez naturellement, en termes de participation dans la gouvernance de la société ».
Un autre délégué du réseau le confirme :
« Il faut toujours quelqu’un qui soit assez moteur dans les instructions […] C’est très clair, si on veut aboutir à coup sûr, la présence d’un leader est très important lorsqu’on va faire un co-investissement. »
Dans l’autre cas, faute de la mise en place d’une telle structuration portée par un intermédiaire adéquat, les acteurs n’ont pas réussi à travailler sur une même longueur d’ondes.
La société n’est pas parvenue à lever des ressources financières et managériales supplémentaires. Un business angel en témoigne :
« Le représentant est censé jouer le rôle d’intermédiaire entre le groupe des business angels et des capital-risqueurs et donne de la crédibilité au projet vis-à-vis des capital-risqueurs. Or, dans le cas de cette start-up, il n’a pas été une force d’entraînement car ce n’était pas son domaine de compétence. Il n’a pu être crédible ni auprès des business angels ni des capital-risqueurs ».
Notre étude vient ainsi conforter l’idée que la mise en place d’une structure de coordination entre les différents acteurs de la levée de fonds permet effectivement de réduire les mésententes de soutenir ainsi la croissance des start-up. Il s’agit donc d’un élément de feuille de route à prendre en compte pour un entrepreneur désireux de développer efficacement son activité.
Kirsten Burkhardt-Bourgeois, Maître de conférences, IAE Dijon, Université de Bourgogne – UBFC et Laurence Cohen, Maître de conférences en Finance, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.