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Soutien organisationnel en Ehpad : un remède à la démission des managers ? – The Conversation

Laila Benraïss-Noailles, IAE Bordeaux; Catherine Viot, IAE Bordeaux et Khaled Sabouné, Aix-Marseille Université (AMU), Le 18 juillet 2024

Un vrai soutien de l’organisation peut être un moyen efficace de retenir les managers d’Ehpad tentés par un départ. Shutterstock

Depuis quelques mois, les médias sociaux et la presse managériale consacrent des rubriques au «conscious quitting». Cet anglicisme qui signifie «démission en conscience» est apparu récemment afin de qualifier des salariés qui décident de quitter leur entreprise parce que leurs valeurs ne coïncident plus avec celles de leur employeur. Cette prise de conscience du décalage entre les valeurs individuelles des salariés et celles de leurs employeurs a été accentuée par la crise sanitaire, qui leur a offert l’occasion de prendre du recul sur leur travail.

Nous avons souhaité mesurer l’ampleur de l’intention de quitter dans le secteur médico-social, en particulier parmi les managers des Ehpad privés à but lucratif. Ce secteur a récemment été secoué par des scandales concernant les mauvaises conditions d’accueil et de prise en charge, voire des maltraitances des résidents. Des émissions comme Envoyé spécial y ont fait écho avec le reportage : «Maisons de retraite : dernière la façade» (2018). Plusieurs ouvrages peuvent être aussi cités : « Ehpad : une honte française », « Le scandale des Ehpad », et plus récemment « Les Fossoyeurs » : Révélations sur le système qui maltraite nos ainés».

Crise identitaire chez les personnels

Les réformes du secteur médico-social, inspirées du New Public Management, visent à passer d’une gestion par les moyens à une gestion par les résultats. Cela a conduit les managers d’Ehpad, à passer d’une activité d’accompagnement à une gestion économique et financière. Ils doivent appliquer les politiques publiques localement, pratiquer une gestion centrée sur l’optimisation des coûts et répondre à des indicateurs de performance.

Cette « managérialisation » a provoqué des crises identitaires des Ehpad et des questionnements sur les valeurs des personnels et le sens de leurs actions. Les réformes accentuent la pression, la complexité et la charge de travail administratif des managers, avec de nombreux outils, normes et procédures imposés.

Au fil du temps et des réformes, de plus en plus de managers éprouvent des difficultés à gérer leurs nombreux rôles, souvent perçus comme ambigus et incompatibles. Ces tensions affectent leur implication, leur santé au travail et leur volonté de rester dans leurs organisations. Dans ce contexte, ils sollicitent le soutien de leurs organisations. Cet article examine précisément le rôle du soutien organisationnel perçu (SOP) dans l’intention de départ des managers d’Ehpad.

Le rôle du soutien organisationnel perçu

L’intention de quitter est définie comme une évaluation subjective de la probabilité de quitter l’emploi actuel dans un avenir proche, ou comme un désir conscient, une intention délibérée de quitter son emploi. Certains auteurs considèrent l’intention de partir comme l’étape finale d’une phase de réflexion dont le but est de peser le pour et le contre de quitter son emploi actuel, tandis que d’autres considèrent qu’elle peut découler d’un événement isolé. L’intention de partir est considérée comme le meilleur indicateur de l’adoption d’un comportement de départ effectif.

Le SOP (Soutien organisationnel perçu ou en anglais POS pour Perceived organiaztional support) trouve son origine dans la théorie de l’échange social, basée sur le principe de réciprocité transactionnelle régissant la relation entre le salarié et son organisation. Les échanges peuvent porter sur des ressources matérielles (rémunération, formation, mobilité, etc.) ou non matérielles (empathie, écoute, encouragements, etc.). Le SOP correspond à l’évaluation par un salarié du degré auquel l’organisation reconnaît ses contributions et s’intéresse à son épanouissement au travail. Plus un salarié perçoit que son organisation valorise ses contributions et lui fournit des ressources pour améliorer son bien-être, plus il se sentira obligé d’adopter des attitudes positives et des comportements performants envers son organisation.

Dans le secteur médico-social, le soutien social du supérieur hiérarchique constitue le « noyau dur » du contrat psychologique, et ce non seulement des personnels opérationnels, mais aussi de leurs managers. Le soutien social constitue donc une ressource du travail permettant aux organisations de renforcer la capacité d’adaptation de leurs collaborateurs à l’évolution de leur environnement de travail, de lutter contre l’absentéisme et de les fidéliser.

Pour mesurer l’impact du SOP sur l’intention de quitter des managers des Ehpad, nous avons mené une recherche dans un groupe privé à but lucratif gérant plusieurs établissements en France et en Europe, en se concentrant sur ceux situés en France. L’enquête, diffusée avec le soutien des directions régionales, a recueilli les réponses de 469 salariés, 404 d’entre-eux occupant des fonctions managériales. L’échantillon est composé à 87 % de femmes, avec un âge moyen de 42,24 ans. L’expérience moyenne dans le secteur sanitaire et social est de 13,85 ans, et l’expérience au sein de ce groupe est de 6,55 ans. Les variables sont mesurées à l’aide d’échelles reconnues dans la littérature :

  • Le SOP est mesuré par l’échelle en sept items de Rhoades et al. (2001), par exemple : « Mon employeur prend en considération mes objectifs et mes valeurs » ;

  • L’intention de quitter l’établissement est mesurée par l’échelle de Moore (2000), qui comporte quatre items, par exemple : «Je vais rechercher activement un travail dans une autre entreprise dans l’année qui vient».

L’influence réelle du soutien au personnel

L’hypothèse postulant un effet direct entre le SOP et l’intention de quitter est testée avec le logiciel AMOS 25. Les résultats montrent que le SOP influence négativement l’intention de quitter. Les managers interrogés attendent du soutien de la part de leur employeur pour faire face aux multiples contraintes de leurs postes et à l’image peu valorisante des Ehpad relayée par la presse après des révélations critiques.

 

Les résultats montrent que les Ehpad à but lucratif doivent accroître le soutien organisationnel pour retenir les salariés, y compris les managers. Il est nécessaire de développer les compétences sociales et de renforcer le rôle relationnel des supérieurs hiérarchiques pour les aider à gérer les expériences émotionnelles et les situations de travail difficiles. Ceci est particulièrement important dans le contexte actuel où la managérialisation du secteur des Ehpad a entraîné une perte de sens dans le travail médico-social.

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De faibles rémunératiosn

Face à de faibles rémunérations et des perspectives de carrières limitées, les pratiques managériales et organisationnelles visant à améliorer la qualité de vie au travail, développer les compétences des salariés, valoriser et donner plus de sens à leur travail sont des signes forts du soutien organisationnel. Ces pratiques influencent le comportement des salariés et contrebalancent leur volonté de quitter l’organisation. Le SOP augmente la loyauté des salariés et renforce leur croyance que l’organisation se soucie d’eux.

Les managers de ces Ehpad seraient en perte de sens, le contenu de leur poste ayant changé au fil des réformes. Ils sont en charge de mettre en œuvre les politiques et de veiller au respect des procédures. Le soutien de leur employeur, et plus particulièrement de leurs supérieurs, est primordial pour éviter que la «crise de conscience», amplifiée par une image dégradée des Ehpad, ne les conduise à un départ effectif.

En effet, le soutien social émotionnel (proximité relationnelle, écoute, empathie, etc.) de leurs supérieurs hiérarchiques s’avère plus que jamais nécessaire pour faire face à la méfiance accrue des résidents et de leurs familles, à la suite notamment des récents scandales liés à des cas de maltraitance identifiés dans des Ehpad appartenant à des groupes privés à but lucratif.

Laila Benraïss-Noailles, Professeur des universités en sciences de gestion, directrice adjointe, IAE Bordeaux; Catherine Viot, Professeur des Universités en sciences de gestion, IAE Bordeaux et Khaled Sabouné, Maître de Conférences – HDR, Aix-Marseille Université (AMU)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.


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