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Reprendre une entreprise familiale : quel profil pour le(a) repreneur(se) ? – The Conversation

Gérard Hirigoyen, IAE Bordeaux, Le 13 janvier 2025

La moitié des entreprises familiales seront transmises dans les dix prochaines années. L’enjeu est de taille. Cet article met le projecteur sur cette épineuse question de la reprise par un tiers. Reprendre, c’est créer ?


Dans les dix prochaines années, 400 000 entreprises devraient, être reprises et 25 % des dirigeants français ont plus de 60 ans. Il y a urgence, tant le marché de la reprise joue au yo-yo. Après une année 2023 que les professionnels ont qualifiée d’annus horribilis, les premiers mois de 2024 se sont montrés plus encourageants. La croissance du nombre de transactions bouclées est de l’ordre de 5 à 10 %. Le segment des entreprises familiales valorisées entre 5 et 10 millions d’euros est celui qui a le mieux résisté.

Profil du cédant : 55 ans et expérience moyenne de 20 ans à la tête de leur entreprise

En France, 83 % des entreprises sont familiales dont un tiers sont des TPE, PME et ETI. D’ici 10 ans, 50 % de ces entreprises familiales auront été transmis du fait de la démographie de leur dirigeant. Or, elles représentent 60 % du PNB en France et constituent un élément vital de notre écosystème d’innovation. Le cas des PME familiales est particulièrement intéressant à souligner.


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Une enquête de BPIFrance le lab de 2023 a été réalisée auprès de 2 233 dirigeants de PME familiales. Elle révèle que 70 % sont à la tête de leur entreprise depuis plus de dix ans – dont 39 % plus de 20 ans et 17 % moins de 5 ans, bien plus que dans les entreprises non familiales. En 2024, le profil type du cédant d’entreprise se caractérise par un âge moyen de 55 ans et une expérience moyenne de 20 ans à la tête de leur entreprise.

10 ans a minima pour transmettre son entreprise

Pour un dirigeant de PME familiale, se préoccuper de la transmission de son entreprise l’année précédant son départ à la retraite, c’est maximiser le risque d’échec. La transmission de l’entreprise prend a minima dix ans. Elle ne peut être considérée comme une opération à chaud mais comme un acte de gestion stratégique et prévisionnel.

Sa mise en œuvre répond à un processus assez long qui peut s’étaler sur plusieurs années. Il contribue au transfert tant du management – transmission managériale – qu’à celui de la propriété – transmission patrimoniale. Ce dernier s’opère du dirigeant propriétaire actuel – cédant – à un repreneur interne ou externe à la famille. Il comporte quatre phases :

  • 1ere Phase : l’initialisation : détermination des objectifs, des participants, des rôles et des processus,

  • 2e Phase : choix de l’option de succession et intégration du repreneur : garantie de la marge de manœuvre via les options intrafamiliales et extrafamiliales. Examen de la structure d’entreprise et de financement ; préparation du repreneur,

  • 3e Phase : Management conjoint : transfert progressif du savoir-faire et du familiness. Acquisition de sa légitimité par le repreneur,

  • 4e Phase : Désengagement du cédant : Passation de pouvoir formelle et symbolique au repreneur.

Profil du repreneur : continuité ou changement dans le leadership

Les repreneurs ont des profils différents, chacun ayant ses motivations et ses stratégies de reprise. Ils peuvent être internes à l’entreprise reprise

En se fondant sur une étude réalisée en 2016, on propose la typologie suivante des repreneurs(ses) de PME familiales. Les repreneurs(ses) qui s’inscrivent dans le changement en matière de leadership, de gouvernance et de stratégie. Les repreneurs(ses) qui s’inscrivent dans la continuité.

Étude de cas : Anne-Sophie Catherineau représentante de la 8ᵉ génération de son entreprise

Entreprise créée en 1750, l’entreprise Catherineau conçoit et fabrique des aménagements intérieurs sur mesure pour les avions et yachts en composite et matériaux nobles. En 2006, Anne-Sophie Catherineau intègre l’entreprise familiale. En 2011, âgée de 30 ans, représentante de la huitième génération, elle reprend les rênes de l’entreprise familiale en devenant directrice générale aux côtés de son père Alain, resté Président du Conseil d’Administration. Elle rappelle qu’elle « n’avait que 14 ans lorsque son père lui avait proposé de reprendre l’entreprise… J’ai préféré tracer ma propre voie d’abord, je voulais être indépendante, mais aussi apporter une vraie valeur ajoutée à l’entreprise. »

À l’occasion de sa reprise de l’entreprise, des conflits familiaux sont apparus. Afin, de ne pas provoquer une rupture dans la famille, le besoin d’instaurer une gouvernance familiale s’est fait ressentir : une charte familiale a été rédigée et un conseil de famille a été mis en place. La nouvelle dirigeante compte bien poursuivre l’aventure familiale en lui apportant « une touche de modernité tout en gardant l’essentiel : les valeurs de ma famille catholique : honnêteté, respect des employés et des clients ».

Imprimerie IGS à Agen : un président autrefois commercial

L’Imprimerie IGS à Agen, SAS après avoir été SARL, aujourd’hui présidé par Romain Dubarry, âgé de 37 ans. En 2009, Romain a 22 ans. Il est recruté dans l’entreprise comme commercial. Un an après, le dirigeant de 50 ans lui propose de reprendre l’entreprise. Conduite de façon exemplaire par le cédant, la transmission s’est déroulée sur près de dix années permettant ainsi à Romain de trouver sa légitimité auprès des salariés et d’endosser progressivement les habits de dirigeant. Un entretien téléphonique avec Romain, le lundi 30 décembre 2024 a permis de préciser et d’expliciter les conditions de la reprise.

Le cédant a mené de front tant la transmission managériale par un joint-management que la transmission de la propriété. Cette dernière a été rendue possible par la mise en place d’un MBO très original qui repose pour 90 % sur un crédit-vendeur et 10 % sur un crédit bancaire. Ce montage assez rarissime témoigne de la confiance du cédant dans son jeune repreneur. En 2023, celui-ci détient 75 % des actions et devient le dirigeant à part entière de l’entreprise. Il envisage d’ouvrir le capital à quelques salariés. Personnalité attachante, Romain est père de deux enfants. Il nous a confié, qu’il échangeait avec eux sur les valeurs de l’entreprise, les inscrivant ainsi dans la chaîne possible d’une transmission intergénérationnelle.

Deux études de cas. Deux exemples différents et complémentaires du profil d’un repreneur d’une entreprise familiale. Deux façons de recréer son organisation à son arrivée.

Gérard Hirigoyen, Professeur émérite Sciences de Gestion, IAE Bordeaux

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.


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