Experts en Management
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David Carassus, IAE Pau-Bayonne et Sarah Prat dit hauret, Université de Pau et des pays de l’Adour (UPPA)
Les personnes en situation de handicap représentent plus d’un milliard d’habitants, soit 15 % de la population mondiale. Or, en France, sur les 12 millions de personnes concernées, seul un million est en situation d’emploi, dont 32 % à temps partiel. Ainsi, un nombre important de personnes en situation de handicap occupe des emplois précaires et 14 % d’entre elles sont au chômage, contre 8 % de la population générale.
La question de l’inclusion réussie dans une organisation des personnes en situation de handicap apparaît donc aujourd’hui comme un défi à relever pour les employeurs en France comme à l’échelle internationale, même s’il existe déjà quelques organisations publiques et privées pionnières en la matière. Ainsi, l’Organisation des Nations unies (ONU) a fait du sujet de l’inclusion des personnes handicapées l’une de ses priorités. L’Union européenne a emboîté le pas en adoptant une stratégie relative aux droits des personnes handicapées sur la période 2021-2030. En France, une expérimentation a aussi été lancée sur le sujet de la construction d’un index diversité-inclusion.
Malgré son importance, cette question reste toutefois peu analysée par la littérature académique. Quelques chercheurs américains la définissent toutefois comme le croisement d’une appartenance forte à l’organisation et du respect par cette dernière du caractère unique de la personne pour laquelle l’inclusion se pose.
Cette définition émerge de la théorie de la distinction optimale qui analyse l’identité sociale comme la réconciliation des attentes opposées d’un individu que sont l’assimilation et la différenciation vis-à-vis des autres.
Au regard des enjeux institutionnels sous-tendus comparés à des études peu nombreuses à l’échelle française, nous avons réalisé dans le cadre d’un travail doctoral une revue systématique de la littérature académique concernant les déterminants de l’inclusion organisationnelle réussie des personnes en situation de handicap, qui sera présentée à la conférence EGPA 2022 prévue à Lisbonne en septembre 2022. Après avoir analysé 32 études scientifiques, différents déterminants peuvent être dégagés.
Tout d’abord, un soutien organisationnel perçu élevé, défini comme la capacité de l’organisation à soutenir une personne durant les moments difficiles. Ainsi, plus les collègues et les superviseurs soutiennent les personnes en situation de handicap au sein de l’organisation en s’adaptant à la situation (horaires, nature des tâches réalisées), plus ces dernières se sentent incluses.
Ensuite, une forte adéquation personne – emploi, caractérisée comme le degré de cohérence entre le poste occupé et les compétences de la personne qui l’occupe. Pour que l’inclusion organisationnelle soit réussie, il faut en effet qu’il existe également une forte correspondance entre les capacités, l’expérience d’un employé handicapé et les exigences de l’emploi qu’il occupe. Si cela n’était pas le cas, l’employé handicapé peut alors ressentir qu’il n’est pas adapté à l’organisation et peut ressentir un sentiment d’exclusion.
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Aussi, une relation forte entre la personne handicapée et son manager hiérarchique. Ainsi, la relation que l’employé handicapé entretient avec son superviseur est très importante pour qu’il se sente inclus au sein de l’organisation. En effet, de cette relation dépend par exemple l’accès à des formations ou, de manière plus générale, l’évolution du parcours professionnel (par exemple par l’aide apportée, ou la valorisation auprès de collègues).
Après, un faible niveau de stress professionnel ressenti. Ainsi, des organisations dont le climat de stress professionnel ressenti est élevé sont moins propices à l’inclusion des employés handicapés, le stress agissant négativement sur leur satisfaction au travail.
Enfin, l’absence de discrimination. L’existence de stéréotypes et des comportements de stigmatisation paralysent alors les relations professionnelles qui, pour cette raison, ne peuvent plus être normales et naturelles. Les stéréotypes deviennent de ce fait contreproductifs et destructeurs de valeur pour l’organisation qui perd en efficacité et en performance.
Ces déterminants semblent être activés en pratique, dans certaines organisations à l’échelle française. Ainsi, à la lecture des documents d’enregistrement universels, plusieurs groupes du CAC 40 ont mis en place des politiques et des pratiques inclusives. On peut citer notamment les groupes L’Oréal, BNP Paribas ou LVMH.
En novembre 2020, le groupe L’Oréal est en effet devenu membre d’un collectif de 500 entreprises dont l’objectif est de promouvoir l’inclusion des personnes en situation de handicap.
En 2021, le groupe de cosmétiques a aussi partagé son engagement en matière de handicap auprès de ce collectif et participé aux échanges en son sein afin d’identifier des bonnes pratiques et permettre une augmentation du nombre d’actions menées. Parmi celles-ci, L’Oréal s’emploie à lutter contre les discriminations liées au handicap. Le groupe sensibilise ainsi ses collaborateurs aux besoins des personnes en situation de handicap, à travers la réussite de la politique « diversité, équité, et inclusion » marquée par une politique de communication interne et de formation dédiée. Il incite aussi au partage de bonnes pratiques, par la collaboration avec des experts, des associations et ONG reconnues sur le sujet pour faire progresser la question de l’inclusion au sein du groupe. Le soutien organisationnel des collaborateurs s’en trouve ainsi renforcé, tout en favorisant l’inclusion organisationnelle des personnes en situation de handicap.
Quant au groupe bancaire BNP Paribas, il a été récompensé pour ses efforts en faveur de l’inclusion des personnes en situation de handicap et reconnu comme un des meilleurs environnements de travail (Best Places to Work for Disability Inclusion) en juillet 2021 comme le démontre sa position en tête du classement du Disability Equality Index. De nombreuses actions sont en particulier engagées pour améliorer les contions de travail, comme l’aménagement des postes, afin d’améliorer l’adéquation personne – emploi et favoriser l’inclusion.
Enfin, le géant du luxe LVMH accompagne ses collaborateurs qui déclarent une situation de handicap. Les différentes maisons du groupe proposent en conséquence des solutions au maintien dans l’emploi qui sont adaptées à chaque cas de handicap identifié, à travers les stages, les formations, ou encore les aménagements de poste. Le groupe améliore aussi le recrutement des personnes en situation de handicap en visant une meilleure adéquation personne-emploi. La sélection des candidats dans le cadre de campagnes de recrutement est ainsi fondée sur des mises en situation professionnelles ; ce qui assure une évaluation objective des aptitudes, des compétences et du potentiel de chacun, quel que soit le parcours des personnes.
Au global, de nouvelles pratiques managériales s’imposent donc et devraient se généraliser au sein des organisations publiques et privées de toute taille pour favoriser cette inclusion réussie des personnes en situation de handicap dans les organisations.
Des évolutions apparaissent en particulier nécessaires en matière de gestion des ressources humaines de ce public spécifique, en dépassant une politique actuelle souvent focalisée sur le seul respect de l’obligation d’emploi dans une proportion de 6 % de l’effectif total pour les entreprises de plus de 20 personnes.
Le nombre de personnes en situation de handicap pourrait alors augmenter, ainsi que leur niveau de bien-être au travail, l’inclusion organisationnelle participant alors à l’inclusion sociale.
David Carassus, Professeur en sciences de gestion, IAE Pau-Bayonne et Sarah Prat dit hauret, Doctorante en sciences de gestion, Université de Pau et des pays de l’Adour (UPPA)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.