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Quelles sont les bonnes pratiques des entreprises qui ont mis en place des politiques RSE avec succès ? – The Conversation

Stéphane Bellanger, IAE Paris – Sorbonne Business School
Le 26 Juin 2023

Les solutions pertinentes émergent souvent lorsque toutes les parties prenantes se trouvent associées. Mohamed Hassan / Pixabay, CC BY-SA

Réchauffement global, pollution, droits humains défaillants dans de nombreux pays, effondrement de la biodiversité, partage inéquitable des richesses… Ces préoccupations poussent souvent les jeunes diplômés à remettre en cause le sens de l’entreprise. Elles soulèvent des interrogations cruciales : comment diriger une entreprise de manière lucide et pertinente tout en étant efficace et responsable ?

Notre ouvrage intitulé Comprendre la RSE, levier de transformation durable propose une méthode pour y parvenir. Celle-ci repose sur trois axes fondamentaux. Il s’agit tout d’abord de prendre conscience des interdépendances écologiques et sociales qui caractérisent notre monde moderne, que les actions de chaque entreprise ont un effet sur les personnes, l’environnement et les communautés locales. L’idée, dans un second temps, est de les intégrer dans la stratégie et les pratiques des entreprises car la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) n’est pas qu’une dimension accessoire. Cela implique une remise en question des modèles d’affaires traditionnels, une évaluation des risques et des opportunités liés à la durabilité, ainsi qu’une réflexion sur les pratiques opérationnelles et les chaînes d’approvisionnement, préalable à la conduite des transformations nécessaires.

Il semble essentiel de favoriser une participation à ces réflexions des employés et des parties prenantes externes. Ce peut être les gouvernements, les ONG, les communautés locales ou les consommateurs par exemple. Des partenariats durables sont à créer et l’échange d’informations pour des résultats bénéfiques à long terme à promouvoir.

L’entreprise doit en effet se comprendre comme faisant partie d’un écosystème. Elle en vit, y trouve ses clients, y prélève ressources naturelles, énergies, personnel formé, fait usage de ses infrastructures. Elle doit aussi en être un contributeur positif, participant au développement humain, social, à la maîtrise des changements climatiques et à la restauration des espaces naturels. Cela n’implique pas une baisse de ses performances : il s’agit simplement de bien mener ses politiques RSE. Fournir cet effort permet d’ailleurs une meilleure compréhension des facteurs non encore intégrés à la comptabilité classique. Elle ouvre la voie à une maîtrise des impacts humains, sociétaux, environnementaux de l’entreprise et constitue la meilleure garantie pour piloter efficacement sa transformation.


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Pour aiguiller les décideurs en ce sens, l’ouvrage s’appuie sur des retours d’expérience d’entreprises sur plusieurs décennies, les dernières avancées scientifiques, les initiatives financières et les évolutions législatives. Nous y examinons différentes approches et outils utilisés par les entreprises pour intégrer la RSE dans leur gestion quotidienne et vous en exposons quelques-uns ici. Chaque cas souligne le rôle crucial de dirigeants engagés dans des démarches collaboratives dans la mise en place de pratiques responsables et fait état de bonne performance économique à court terme et de perspectives réjouissantes à un horizon plus lointain.

SEAT, un outil pour construire avec les parties prenantes

La RSE ne peut se développer qu’en relation avec les parties prenantes, c’est-à-dire tous ceux qui sont affectés de près ou de loin par l’activité de l’entreprise : ses actionnaires et dirigeants certes, mais aussi son personnel, ses clients, ses fournisseurs et, plus encore, les acteurs du territoire dans lequel l’entreprise est implantée. L’amélioration des relations avec ces partenaires est d’ailleurs l’un des bénéfices importants de la démarche.

Souvent pointés du doigt pour leurs impacts lourds tant sociaux qu’environnementaux, certains acteurs de l’industrie extractive ont été pionniers dans ce domaine. Le Groupe Anglo-American, plus important producteur mondial de platine notamment, a, par exemple, créé en 2003 l’outil SEAT (pour Socio-Economic Assessment Toolbox) dont l’utilisation est obligatoire dans l’ensemble du groupe. Il a déjà été utilisé dans plus de 50 opérations dans 16 pays et a permis de prendre des décisions d’achats locaux et de guider les projets d’investissement.

 

Toutes les exploitations d’Anglo-American doivent aujourd’hui procéder à une évaluation SEAT triennale afin de s’assurer que l’évolution des impacts liés à l’exploitation sur l’environnement socio-économique ou politique est bien prise en compte. Cela permet d’évaluer les mesures définies dans les rapports précédents et offre l’occasion aux parties prenantes de donner leur avis de manière structurée. Une responsabilité locale est ainsi maintenue.

Le retour d’information de la part des responsables démontre la valeur commerciale considérable de SEAT : outre le cadre qu’il fournit pour établir un dialogue constructif et transparent avec les parties prenantes, il aide les responsables de l’entreprise à identifier des stratégies ayant un impact socio-économique positif et à atténuer les impacts négatifs. Il aide considérablement les directeurs des opérations locales à obtenir leurs autorisations d’exploitation, avec la confiance des parties prenantes.

Les « démarches 360° DD » pour un marketing durable

La notion de marketing durable (ou responsable) inclut notamment la compréhension des nouvelles attentes et besoins des consommateurs en accord avec les enjeux sociaux et environnementaux. L’objectif est d’imaginer des réponses innovantes en termes de produit ou de services.

Les « démarches 360° DD », par exemple lancées par TotalEnergies Marketing dans les années 2000 démontrent ce que peut accomplir un travail unissant tous les acteurs de la chaîne de valeur. La division Bitumes a ainsi su associer un maximum de clients et de parties prenantes dans une même réflexion stratégique en utilisant l’ensemble des canaux de communication disponibles pour balayer toutes les facettes du développement durable. À partir d’une grille de lecture innovante, un certain nombre de propositions pertinentes a pu émerger.

C’est le cas du bitume basse température « Azalt ». Celui-ci permet tout à la fois un gain énergétique lors de l’enrobage allant jusqu’à 29 % (9 % sur l’ensemble du cycle de vie), un gain d’émission de gaz à effet de serre de 27 % sur cette même étape et une amélioration des conditions de travail pour des ouvriers moins exposés aux fumées et à des températures moindres au moment d’appliquer le revêtement sur les chaussées.

Les bitumes basse température ont vite été adoptés par la filière. Barbetorte/Wikimedia, CC BY-SA

L’ensemble des acteurs associés à la racine du projet ont alors bien vite adopté le produit final. La fédération Eurobitume a saisi au vol cette avancée et a signé un engagement pour monter à 80 % d’enrobés à température abaissée en France d’ici 2030 sous l’égide de la fédération professionnelle IDRRIM (Institut des routes, des rues et des infrastructures pour la mobilité), qui fédère l’ensemble des acteurs publics et privés de la communauté des infrastructures de transport en France. Celle-ci recommande depuis 2015 de considérer l’usage des enrobés à température abaissée comme la solution de référence. La valeur économique et sociale (dans la dimension santé et sécurité au travail) de cette offre a donc été reconnue.

Le marketing durable doit bien sûr s’entourer de quelques précautions quant aux moyens utilisés. Il serait moins légitime avec une utilisation excessive de papier ou des campagnes virales sur Internet par exemple. Dans sa partie écoconception, il pousse néanmoins clairement l’entreprise dans la voie de l’innovation responsable, en privilégiant l’économie circulaire et la participation des parties prenantes.

Des outils éthiques qui attirent les talents

Face aux difficultés de recrutement qui proviennent parfois de handicaps d’attractivité structurels – dont est victime par exemple l’industrie –, l’adoption de politiques d’éthique et de responsabilité sociale et environnementale a pour effet de permettre aux entreprises de s’assurer qu’elles embauchent les meilleurs candidats. Ceux-ci adhéreront plus facilement à la culture de l’entreprise dont ils se feront même les hérauts.

L’Oréal a ainsi été primée de nombreuses fois pour ses outils d’éthique et de RSE : « Carol R. Marshall Award for Innovation in Corporate Ethics » en 2015, « triple A » plusieurs années consécutives au classement du Carbon Disclosure Project, ou encore « Global Compact LEAD » du Pacte mondial des Nations unies. Elle figure en outre régulièrement dans le top 5 des entreprises préférées par les étudiants en école de commerce.

Cette image positive est également un atout commercial, dont d’autres entreprises bénéficient également (Décathlon, Danone, Leroy-Merlin, Johnson & Johnson, 3M, The Body Shop…). Il faut bien entendu un engagement particulièrement ferme et déterminé du CEO et de son comité de direction pour parvenir à maintenir un tel cap dans la durée.

En communiquant de manière ouverte et honnête sur leurs actions et leurs performances en matière de RSE, les entreprises peuvent instaurer un climat de confiance en interne comme avec les parties prenantes externes. Ces collaborations permettent de mutualiser les ressources, les compétences et les connaissances. Elles contribuent ainsi à des changements positifs plus importants : création d’emplois de qualité, amélioration des conditions de travail et préservation des ressources naturelles. Elles demandent néanmoins de déployer beaucoup de créativité et d’efforts.


Les co-auteurs de l’ouvrage Henri Fraisse, Conseiller RSE d’Activation Territoires, président co-fondateur de l’association FIDAREC et Antoine Jaulmes, Consultant en éthique et stratégie d’entreprise, fondateur du cabinet Ethique Pratique Conseil ont également contribué à la rédaction de cet article

Stéphane Bellanger, Maître de Conférences associé, IAE Paris – Sorbonne Business School

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.


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