Experts en Management
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Frédéric Worms, École normale supérieure (ENS) – PSL; Albin Wagener, Université Rennes 2; Aurélien Brest, Université de Bordeaux; Cécile Dutriaux, IAE Paris – Sorbonne Business School; Laurent Cordonier, Université Paris Cité; Nicolas Baygert, Université Libre de Bruxelles (ULB) et Sébastien Claeys, Sorbonne Université, Le 31 Janvier 2022
Portrait(s) de France(s), un rendez-vous bimensuel et thématique réunissant articles inédits, cartographies et podcasts, pour aborder les grands enjeux de l’élection présidentielle de 2022.
Le cadre du débat est lui-même au cœur du débat. Ce qui ressort fortement des articles ici rassemblés, c’est une mutation fondamentale du débat d’idées en France et dans le monde aujourd’hui. On peut dire en effet qu’il s’est déplacé d’un débat, dans un cadre commun, à un débat à la fois plus général et plus tendu sur le cadre du débat lui-même. Il y va donc désormais des conditions mêmes du débat d’idées et au fond de la démocratie comme telles. Et on a besoin des sciences sociales pour comprendre où on en est, ne pas aller trop vite, mesurer les enjeux et les réponses.
Mais voyons d’abord les deux aspects qui nous semblent ici se dégager. La contestation du cadre : les articles « sur l’alt-right » ou « le wokisme » et jusque dans ces termes mêmes, montrent que ceux qui se réclament de l’une ou qui critiquent l’autre ne veulent plus débattre avec leurs adversaires mais les contester comme adversaires légitimes, et contester le cadre même du débat. Il ne s’agit plus d’un débat d’idées mais d’un combat pour s’approprier et fermer le cadre du débat. Les études, très précises, le montrent et appellent d’autres recherches plus approfondies encore.
Le maintien du cadre : les articles sur les modes d’information des Français, sur l’école ou sur la culture générale, montrent au contraire comment le cadre se maintient à la fois dans des institutions, qu’il faut renouveler, des usages qu’il faut étudier et soutenir, et un savoir commun qui reste une condition du débat lui aussi. L’étude sur l’école comme laboratoire d’idées montre bien comment l’institution doit se penser elle-même comme lieu d’apprentissage du débat, et pas seulement d’un savoir, pour former aux pratiques fragilisées par la contestation du cadre.
Ce sera aussi aider à construire la recherche d’informations sur Internet, qui montre une certaine solidité des cadres institutionnels reconnus, et la construction d’une véritable culture commune de référence, qui n’est jamais neutre mais reste comme telle justement une base d’un débat commun. L’enjeu est là, pour le meilleur et pour le pire. Le débat d’idées n’oppose plus directement des idées et il faut le regretter. Le débat d’idées ne reviendra que si l’on maintient le cadre qui le rend possible.
Débattre de ce cadre est une urgence, mais, direz-vous, cela suppose déjà ce cadre ? Oui, vous avez raison, c’est l’enjeu et le critère. C’est le point critique où nous sommes et dont tous les « intellectuels » devraient se saisir d’abord, en réfléchissant eux-mêmes sur leurs cadres, leurs pratiques, leurs institutions, leurs principes. C’est le sens et l’importance du présent dossier.
Le « wokisme » dispose d’une forme de lâcheté polysémique particulièrement arrangeante : la particularité d’embrasser un ensemble très étendu de pratiques, de mouvements et de faits sociaux.
Les influenceurs de la droite alternative française utilisent habilement les codes de YouTube, Instagram ou TikTok pour diffuser leur idéologie auprès des jeunes générations.
La culture générale, entendue comme un moyen et non comme une fin en soi, reste un outil formidable pour naviguer dans notre monde complexe.
L’apprentissage du débat et sa pratique ouvrent des perspectives pour repenser la transmission des connaissances. Exemples.
Cette série de graphiques vous propose un aperçu du comportement des Français en quête d’information sur le net.
Frédéric Worms, Professeur de philosophie, École normale supérieure (ENS) – PSL; Albin Wagener, Chercheur associé l’INALCO (PLIDAM) et au laboratoire PREFICS, Université Rennes 2; Aurélien Brest, Doctorant en sciences cognitives, Université de Bordeaux; Cécile Dutriaux, Doctorante, chaire EPPP, IAE Paris – Sorbonne Business School; Laurent Cordonier, Sociologue – Docteur en sciences sociales, Université Paris Cité; Nicolas Baygert, Maître de conférences à l’Université libre de Bruxelles, Université Libre de Bruxelles (ULB) et Sébastien Claeys, Professeur associé et responsable du Master Conseil éditorial, responsable de la médiation à l’Espace éthique Île-de-France, Sorbonne Université
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.