Experts en Management
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Quelle information mettre en avant sur les emballages (et comment) pour que les consommateurs se tournent vers les produits les plus alignés avec des objectifs de développement durable ?
La prise de conscience des effets potentiellement négatifs de notre consommation se répand parmi les citoyens. L’urgence est bien là : en France, selon L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), en 2019, le quart des émissions de gaz à effet de serre en France et 23% de l’énergie totale consommée en France provenaient de nos assiettes. De nouveaux textes de loi tentent alors d’enclencher un mouvement global en faveur d’une consommation plus durable.
Au-delà des intentions, les comportements ne suivent pourtant pas toujours. Cet écart tient pour partie à des problématiques de nature informationnelle. Selon un rapport publié en octobre 2021 par la Commission européenne, 29% des consommateurs considèrent le manque d’informations sur la durabilité des produits comme un obstacle important à l’adoption de comportements de consommation plus durables, et 27% déplorent le manque d’informations sur la réparabilité des produits.
Une information sûre et objective, portée sur les emballages, apparaît dès lors nécessaire pour favoriser l’alignement des comportements sur les préoccupations environnementales et sociales, les attitudes à l’égard des produits les plus durables et les intentions d’achat. C’est ce que nous avons voulu explorer dans une étude récente consacrée au secteur de l’alimentation.
La tâche s’avère compliquée : les contraintes sont multiples. Une taille souvent réduite des emballages (et c’est aussi un impératif écologique) génère souvent un encombrement d’informations complexes si l’on veut bien prendre en considération toutes les dimensions du développement durable : l’économique, l’environnemental et le social. Préservation des ressources, processus de fabrication respectueux de l’environnement, sauvegarde des intérêts sanitaires, protection des travailleurs et des consommateurs… beaucoup d’éléments seraient à mettre en avant.
Faut-il multiplier les explications et les justifications positives ou bien privilégier la lisibilité, l’intelligibilité et la crédibilité en affirmant avec force un message d’engagement même simplifié ? Souvent, c’est le volet environnemental qui prend les devants. Les arguments écologiques seraient-ils plus efficaces que les arguments sociaux ?
La plupart des labels et autres affichages de la durabilité des produits prennent la forme soit d’un score unique ne mentionnant aucun argument factuel précis, soit d’une échelle multicritère. C’est d’ailleurs cette option que recommande l’Ademe, une évaluation multicritère sur la base d’une analyse du cycle de vie du produit mesurant les impacts quantifiables du bien sur l’environnement au cours de son cycle de vie, de sa conception jusqu’à sa commercialisation.
Notre expérience consistait à présenter à 161 personnes une photographie d’un produit accompagnée sans information puis d’une information relative à sa durabilité. Huit présentations de l’information ont, en tout, été testées : outre la situation de contrôle, trois formats d’affichage (échelle multicritères, score global et logo « produit durable ») et deux types d’informations relatives à la durabilité (environnementale, sociale et présentation simultanée des deux) ont été soumises aux participants. Après avoir pris connaissance de ces informations, le consommateur indiquait son attitude, positive ou non, envers le produit et son intention d’achat. L’étude a été menée sur trois produits, du vin, du comté et du foie gras, présentant des enjeux de durabilité différents.
Les résultats confirment tout d’abord que des affichages sur la durabilité du produit, qu’ils soient environnementaux ou sociaux, influent positivement les intentions d’achat, et ce dans tous les cas. C’est même un effet amplificateur de ces effets qui apparaît lorsque les deux aspects sont présentés conjointement. Pour le comté, l’attitude envers le produit (« j’apprécie ce produit ») est évaluée à 4,28 (sur 5) en présence de l’information environnementale, et demeure similaire en présence de l’information sociale (4,29) ; elle augmente en revanche significativement (4,41) en présence des deux informations. Elle s’élève à 4,16 sans information. Ce même constat émerge pour l’intention d’achat : 3,80 en présence de l’information environnementale, 3,75 en présence de l’information sociale, 3,99 en présence des deux informations, 3,66 sans aucune information).
Nous avons ensuite comparé les trois modes d’affichage différents de cette information : une double échelle multicritère avec trois critères environnementaux et trois critères sociaux, une double note globale, environnementale et sociale, et un logo synthétique sur le principe des écolabels. Les résultats montrent des efficacités différentes selon le pilier du développement durable considéré. La note générale apparaît plus performante que l’échelle multicritère pour l’affichage environnemental ; c’est l’inverse pour l’affichage social. Cela pourrait tenir à un degré d’abstraction plus élevé des enjeux environnementaux dans l’esprit des consommateurs. Dans tous les cas en revanche, la note globale comme l’échelle multicritère produisent des effets positifs supérieurs sur l’attitude et l’intention lorsqu’elles sont comparées à un logo synthétique.
Si la supériorité de la note générale pour les aspects sociaux et celle de l’échelle multicritères pour les aspects environnementaux sont établies de manière globale, les analyses statistiques menées au niveau des produits amènent à nuancer ces propos. Pour le foie gras, aucune différence n’est trouvée en matière de format pour l’affichage environnemental. Serait-ce lié aux enjeux de durabilité de ces produits ? La production de foie gras touche particulièrement au bien-être animal quand le secteur viticole est davantage sous le feu des projecteurs pour son recours aux pesticides. Les besoins d’information et de pédagogie exprimés par les consommateurs seraient alors différents.
L’affichage durable, lorsqu’il suit certaines voies plutôt que d’autres, constitue ainsi un outil appréciable de sensibilisation et de pédagogie. Cela vaut tant pour des marques qui s’emploient à améliorer leurs produits que pour des responsables des politiques publiques qui cherchent à encourager les comportements de consommation vertueux.
Cette recherche a bénéficié d’une aide de l’Agence nationale de la recherche (ANR) au titre du programme Durabilité environnementale sociale et territoriale des produits alimentaires transformés. L’ANR finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’ANR.
Béatrice Siadou-Martin, Professeur des universités en sciences de gestion, Université de Montpellier; Fatiha Fort, Professeur de Marketing, Montpellier SupAgro et Gilles Séré de Lanauze, Maître de conférences en marketing, IAE Montpellier
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.