image

Experts en Management




Mieux comprendre les mutations du commerce – The Conversation

Béatrice Siadou-Martin, Université de Montpellier; Mbaye Fall DIALLO, Université de Lille; Sandrine Heitz-Spahn, IAE Metz School of Management – Université de Lorraine et Souad Djelassi, Université de Lille, Le 27 janvier 2025

Face au commerce électronique, les magasins traditionnels ne sont pas condamnés. Pour continuer à attirer des clients, ils doivent mieux intégrer les irritants des consommateurs. Les outils et services numériques peuvent les y aider.


Devant les difficultés du BHV ou encore devant la récente hécatombe des enseignes du prêt-à-porter, tout un chacun est en droit de s’interroger sur l’avenir des grands magasins et plus largement des magasins physiques d’autant que l’e-commerce poursuit sa progression.

La fédération du e commerce et de la vente à distance (Fevad) estime le chiffre d’affaires de l’e-commerce à 150 milliards d’euros en 2023. Cela représente une hausse de 10 % en un an. Un autre chiffre signale la généralisation du recours à Internet : 70,1 % des Français de 15 ans et plus ont effectué un achat en ligne au cours des 12 derniers mois.

Et pourtant, malgré ces indicateurs qui pourraient apparaître comme inquiétants pour les formats physiques, des voies de résilience existent pour les enseignes et les marques comme le laisse apparaître l’étude menée conjointement par Procos et l’Association Thil auprès d’un échantillon de 529 répondants (comprenant 210 jeunes de moins de 25 ans et 319 personnes de plus de 25 ans et représentatives de la population française).

Limiter les irritants

Même si la plupart des parcours d’achat commencent par une consultation d’Internet pour achats de biens non alimentaires, le smartphone ne constitue pas l’alpha et l’oméga de la relation commerciale. Ainsi, les individus ont globalement l’impression de perdre du temps lorsqu’ils utilisent les réseaux sociaux (note de 4,58 sur 7). Par ailleurs, les publicités reçues sur leur mobile semblent leur faire perdre du temps (note de 5,46 sur 7).

Les courses sont davantage perçues comme un plaisir (3,19 sur 5) que comme une perte de temps (2,73 sur 5), déclaration encourageante pour les acteurs du commerce. Il est donc nécessaire pour les marques et les enseignes de mieux appréhender l’expérience de « magasinage ». Toujours selon la même enquête, les trois principales raisons de perte du temps en magasin sont : le paiement en caisse (3,62/5), la recherche du produit en magasin (3,48/5) et le fait de trouver le vendeur ou les informations (3,30/5).

Les consommateurs ne veulent plus perdre du temps

Cette perception est différente selon l’âge des répondants : les moins de 25 ans sont plus sensibles au temps de déplacement entre le domicile et le magasin et à celui nécessaire pour trouver une place de stationnement ou pour réaliser l’achat en magasin. A contrario, les plus de 25 ans estiment qu’ils perdent plus de temps à trouver un vendeur pour être conseillés.

La Provence.

Il est à noter que la perte de temps a des conséquences négatives sur la relation commerciale : abandon des achats (3,68/5), changement de magasin ou de site marchand (3,37/5). Elle engendre aussi des sentiments négatifs comme la colère (3,64/5) ou la mauvaise humeur (4,15/5). Ces sentiments négatifs sont significativement plus importants chez les moins de 25 ans.

Le digital : nécessaire mais insuffisant

Si le scénario exclusivement digital ne répond pas aux attentes des consommateurs, les dispositifs digitaux ne doivent pas pour autant être écartés. Ils permettent de réduire les irritants de l’expérience. Ainsi, la caisse automatique constitue une solution jugée efficace pour le gain de temps. Les consommateurs déclarent utiliser fréquemment les caisses automatiques : à 52,2 %, ils déclarent avoir recours souvent ou tout le temps pour les courses alimentaires et à 50,7 % pour les courses non alimentaires. Dans la même perspective, le drive s’installe. Ainsi 30,6 % des répondants s’en servent au moins une fois par mois pour l’alimentaire et ne sont que 17 % pour le non alimentaire.

Néanmoins, il ne faut pas s’y tromper… Sans explication ou accompagnement et sans une réelle valeur ajoutée pour le consommateur, ces nouvelles technologies disponibles en point de vente « font perdre trop de temps aux gens » (3,80 sur 7 pour l’échantillon et un écart significatif selon l’âge : 3,91 pour les plus de 25 ans). Les enseignes et marques doivent trouver un point d’équilibre entre des lieux pour passer du temps et cette perception d’accélération du temps propre à notre société. Les individus ont globalement l’impression de manquer du temps et d’être pressés (3,19 sur 5 pour l’échantillon et un écart significatif selon l’âge ; 3,39 pour les moins de 25 ans).

Indépassable rôle de l’humain

Il s’agit de replacer l’humain au cœur de l’interaction commerciale. Le vendeur ou le conseiller est et demeure ce facilitateur des échanges commerciaux : il explore et comprend les besoins du consommateur, connaît son offre et sait s’adapter…

Ce métier, même s’il bénéficie d’une attitude favorable, connaît de nombreuses difficultés pour attirer, recruter et fidéliser des talents. À l’heure du télétravail et de la semaine de quatre jours, que penser des conditions de travail comprenant les horaires décalés, le travail durant le week-end ? Ce secteur a sans doute besoin de communiquer sur les aspects positifs, les réussites de ce métier et de rappeler la progression sociale possible au sein de ces métiers.


Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos, a participé à l’écriture de cet article.

Béatrice Siadou-Martin, Professeur des universités en sciences de gestion, Université de Montpellier; Mbaye Fall DIALLO, Professeur des universités, gestion (management de la marque, innovation, digitalisation), Université de Lille; Sandrine Heitz-Spahn, Maître de Conférences en Sciences de Gestion, IAE Metz School of Management – Université de Lorraine et Souad Djelassi, Maître de Conférences HDR (sciences de gestion-marketing), Université de Lille

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.


Actus associées

Résilience climatique des entreprises : comment préserver son avantage concurrentiel ?...

28 janvier 2025

Natacha Tréhan, Grenoble IAE Graduate School of Management, Le 27 janvier 2025 La nouvelle directive européenne sur les obligations de publications d’informations durables CSRD (Corporate sustainibility reporting directive) impose aux...

En savoir plus

Pourquoi les entreprises allemandes aiment tant la France – The Conversation

23 janvier 2025

Ulrike Mayrhofer, Université Côte d’Azur, Le 22 Janvier 2025 L’Allemagne compte 12 500 entreprises de taille intermédiaire, contre 5 500 pour la France. AritraDeb/Shutterstock Avec le retour du protectionnisme aux États-Unis et en...

En savoir plus

Voir tout