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Les successions dans les associations : planifier et non plus subir – The Conversation

Guillaume Plaisance, IAE Bordeaux, Le 13 janvier 2025

Près d’une association sur deux s’inquiète du renouvellement de leurs dirigeants. Ces successions sont pourtant souvent subies, alors qu’une planification permet en général de lever les inquiétudes.


Le 1,5 million d’associations « loi 1901 » que compte la France constitue des actrices fondamentales pour le quotidien de la plupart d’entre nous. Réciproquement, elles comptent sur leurs bénévoles pour fonctionner, dans la mesure où seuls 10 % d’entre elles emploient des salariés (et le plus souvent, on compte un ou deux salariés).

Leurs dirigeants sont eux aussi des bénévoles et ont joué un rôle majeur pour éviter la disparition de nombre d’entre elles durant la pandémie. Une autre menace plane pourtant : le difficile renouvellement des dirigeants bénévoles. Entre 500 000 et 700 000 mandats d’administrateurs d’associations de solidarité arrivent à échéance annuellement et doivent être renouvelés, mettant en lumière l’enjeu majeur de la succession en contexte associatif.

Un manque de planification

Quand une équipe dirigeante ne souhaite plus se représenter aux élections internes, quand un mandat unique arrive à son terme, quand un ou plusieurs dirigeants démissionnent… Qu’elle soit prévisible ou au contraire précipitée, la succession doit se dérouler le plus paisiblement possible afin de garantir la continuité des activités et la soutenabilité de l’association.

Il s’avère qu’elles sont très peu planifiées, notamment parce que les ressources (et notamment le temps) manquent mais aussi parce qu’il existe une forte dépendance des associations à leurs dirigeants. Envisager leur départ suscite des inquiétudes. Ces dernières sont légitimes et pourraient être contrées par une planification. Néanmoins, les enquêtes les plus récentes montrent que seulement une association sur quatre planifie de manière rigoureuse les successions.

Une succession mal préparée conduit pourtant à une perte de compétences, de connaissances et de réseaux, qui sont peu ou pas transmis aux nouveaux dirigeants. Toute association, quelle que soit sa taille, a donc besoin de mettre en place un processus de succession de qualité.

Succession, mode d’emploi

Une succession s’anticipe. Si tel n’est pas le cas, il peut être bienvenu de modifier les statuts et le règlement intérieur afin qu’ils prévoient les modalités exactes d’une succession. Il peut s’agir par exemple de mettre en place une période de transition – élire la nouvelle équipe six mois avant la fin effective du mandat précédent – ou encore des mandats se chevauchant. En outre, la formation des organes de gouvernance est fondamentale afin de faciliter la transmission du pouvoir et des informations mais aussi pour gérer les cas de successions précipitées. Quoi qu’il en soit, une succession se prépare et doit être anticipée quelque temps avant l’échéance du mandat par l’équipe en place.

Le contexte juridique évoqué précédemment permet de connaître plus ou moins à l’avance les successeurs. Leur identification précoce est un atout pour l’association. Ainsi, ils peuvent alors s’acculturer aux rouages décisionnels, apprendre aux côtés (ou en observant, le job shadowing) des dirigeants sortants, être introduits par ces derniers, etc.

Apaiser le climat émotionnel

En somme, par-delà un processus formalisé, c’est une culture organisationnelle qui doit être développée : celle de la transparence et du partage de l’information. Sans une telle diffusion, les dirigeants entrants mettront davantage de temps à chercher à obtenir des informations qu’à réellement se préoccuper de l’activité et des bénéficiaires.

En outre, tout au long de la succession, les dirigeants sortants (ou bien les organes de gouvernance) ont pour délicate tâche de gérer les émotions des parties prenantes. Un départ suscite naturellement des sentiments divers en interne comme en externe, voire à la tête de l’organisation. La recherche d’un climat émotionnel apaisé passe par la planification de la succession, évitant ainsi la surprise, l’incertitude et l’inquiétude (y compris en cas de succession précipitée, si une procédure existe).

Le cas des fondateurs

La plus difficile succession est sans doute celle engageant les fondateurs. Un attachement mutuel existe en général et il est difficile pour l’association comme pour ses fondateurs de tourner la page. Plusieurs réactions peuvent alors exister chez les fondateurs. Il peut s’agir de destructeurs, cherchant à garder le pouvoir en poussant un de leurs proches à prendre le relais et en conservant des informations clefs. D’autres seront des contrôleurs, maîtrisant administrativement la succession au point de vouloir nommer les entrants.


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D’autres encore seront non-conformistes, cherchant un successeur externe (pour rester les seuls dirigeants originels) sans chercher à le former. Enfin, quelques-uns seront consciencieux, mentorant les entrants et collaborant avec les organes de gouvernance. En somme, le rapport des fondateurs à l’association – et réciproquement – peut à lui seul garantir la survie de l’organisation après leur départ. Il appartient aux membres et aux parties prenantes de mettre en place des garde-fous si jamais les fondateurs perdent de vue l’intérêt supérieur de l’association.

Une entorse au processus démocratique

Moins récurrente mais sans doute amenée à se diffuser du fait des difficultés évoquées précédemment à renouveler les dirigeants actuels : la succession conduite avec des outsiders. Il s’agit de dirigeants qui n’étaient jusqu’à présent pas engagés dans l’association mais qui sont des bénévoles de gouvernance ou bien des parties prenantes externes.

Entorse au processus démocratique traditionnel, une telle succession peut inquiéter du fait des différences culturelles qui peuvent exister entre le collectif interne et les nouveaux arrivants ou encore du long apprentissage que cela induit. S’il n’a pas été démontré qu’un successeur interne serait moins risqué qu’un externe (et réciproquement), ces inquiétudes ne font que souligner l’importance d’un processus de succession formalisé et clair pour éviter les méconduites (même involontaires) de dirigeants peu au fait de la réalité interne.

IAE de Paris.

Planifier et gérer, former et informer

Parce qu’il est de plus en plus difficile de renouveler les dirigeants, parce qu’une succession mal menée crée des pertes tangibles et intangibles, parce que les successions difficiles sont légion, parce qu’il s’agit d’une étape à haute intensité émotionnelle ; autant de raisons pour les associations pour se saisir du sujet.

Planifier, gérer, former et informer sont donc les maîtres mots d’une succession réussie, même s’ils font écho à des pratiques managériales et gestionnaires parfois mal vues. Les sciences de gestion ont pourtant un rôle majeur à jouer dans l’accompagnement des successions et des associations en général, pour peu que les pratiques recommandées soient adaptées à leurs réalités et à leur projet associatif.

Guillaume Plaisance, Maître de conférences en sciences de gestion spécialiste de la gouvernance et du management non-lucratif, IAE Bordeaux

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.


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