Experts en Management
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Céline Gallen, Université de Nantes; Gaëlle Pantin-Sohier, IAE Angers – Université d’Angers et Valérie Hémar-Nicolas, Université Paris-Saclay, Le 14 mars 2023
Produire de la viande pollue et nécessite beaucoup d’espace et de ressources (eau, céréales…). Pour protéger la planète, nous devons donc trouver de nouvelles sources de protéines. Une des solutions est de remplacer, au moins en partie, la viande par des insectes.
Le problème est que les insectes, en tant qu’aliments, sont rejetés par les Européens et Nord-Américains, qui les considèrent comme non comestibles, sales et dégoûtants. Pourtant, 2 milliards d’humains (en Asie, Afrique, Amérique du Sud) en mangent régulièrement. Les plus couramment consommés dans le monde sont les coléoptères tels que les scarabées, principalement sous forme de larve (comme le ver de farine), les lépidoptères (chenilles) et les hyménoptères (abeilles, guêpes et fourmis).
Les insectes sont intéressants car ils polluent moins et nécessitent moins d’eau et de nourriture que les vaches ou les cochons. Ils ont également besoin de moins d’espace pour être élevés et sont riches en protéines.
Depuis quelques années, des chercheurs étudient comment faire accepter les insectes chez les adultes en Occident, mais peu chez les enfants. Nous avons donc confronté des enfants à des insectes comestibles pour étudier leurs réactions.
Les enfants peuvent en effet jouer un rôle important dans l’introduction de l’entomophagie (fait de manger des insectes) dans un pays comme la France pour trois raisons.
Premièrement, les habitudes alimentaires au sein d’une culture évoluent au fil des générations, si bien que les jeunes consommateurs peuvent adopter des pratiques nouvelles qu’ils transmettront ensuite à leurs enfants.
Ensuite, l’enfance est une période très importante, car les préférences alimentaires acquises très tôt persistent à l’âge adulte. Enfin, les enfants influencent également ce que mangent leur famille et leurs amis. En consommant eux-mêmes des insectes, ils pourraient donc leur donner envie d’en consommer à leur tour.
Nous avons interrogé 43 enfants français âgés de 8 à 13 ans sur ce qu’ils pensaient de la consommation d’insectes. Dans une première étude, ils devaient décrire un enfant mangeur d’insectes (son physique, l’endroit où il vit…), puis exprimer ce qu’ils ressentaient face à des photos d’insectes entiers (sauterelles, grillons, vers de farine), d’insectes aromatisés au ketchup ou au chocolat, de sablés au fromage et d’un gâteau au chocolat contenant des insectes en poudre.
Dans une deuxième étude, les enfants ont été interrogés par groupes de deux ou trois. Cette fois, nous leur avons montré de vrais vers de farine séchés et un gâteau nature contenant des vers de farine en poudre. Ils ont également regardé des extraits de l’émission Top Chef dans laquelle des grillons et des fourmis étaient cuisinés et mangés.
Les résultats de ces études montrent tout d’abord que les enfants pensent, comme les adultes, que les insectes ne sont pas comestibles dans notre culture. Selon eux, les mangeurs d’insectes vivent dans des pays lointains ou le font pour survivre. Sinon, manger des insectes est associé à la saleté ou à des défis répugnants dans des émissions comme Fort Boyard ou Koh-Lanta.
Avant d’être exposés à des insectes dans l’étude, la plupart des enfants indiquent spontanément qu’ils refuseraient d’en manger parce que cela les dégoûte. Ils imaginent un goût et des sensations désagréables en bouche. Quand nous leur montrons des insectes en photo ou en vrai, ils sont davantage attirés par les petits insectes comme les vers de farine, plus faciles à avaler que les grillons ou les sauterelles.
Les insectes aromatisés au ketchup ou au chocolat sont un peu mieux acceptés parce que ce sont des goûts qu’ils connaissent et apprécient. Mais les aliments qu’ils préfèrent sont ceux dans lesquels l’insecte est caché, comme le gâteau, car il ressemble à un « gâteau normal ».
Un autre résultat important est que les enfants changent d’attitude pendant l’étude. Le fait d’observer, manipuler et sentir de vrais vers de farine séchés atténue leur dégoût et éveille leur curiosité.
D’autre part, les enfants interrogés par petits groupes de deux ou trois se sont influencés mutuellement. Certains ont finalement accepté de manger du gâteau aux insectes parce que leurs amis en avaient goûté. Les enfants ont également eu davantage envie de goûter des insectes entiers après avoir vu l’émission Top Chef avec des insectes bien cuisinés.
Cette étude montre que les enfants en France peuvent finalement se faire assez rapidement à l’idée de manger des insectes. Ils sont dégoûtés par les insectes entiers mais cependant curieux. Leur intérêt peut augmenter si les insectes sont associés à des goûts ou des aliments connus, et s’ils sont consommés dans une situation rassurante, en famille par exemple, ou amusante, au cours d’un défi entre amis.
Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : tcjunior@theconversation.fr. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre.
Céline Gallen, Professeur des Universités en Sciences de Gestion, IAE Nantes, NANTES Université, Université de Nantes; Gaëlle Pantin-Sohier, Professeur des universités en science de gestion, IAE Angers – Université d’Angers et Valérie Hémar-Nicolas, Professeure des universités en sciences de gestion et du management – Consommation alimentaire et durabilité, Université Paris-Saclay
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.