Experts en Management
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Marie-Christine Lichtlé, Université de Montpellier; Anne Mione, Université de Montpellier; Béatrice Siadou-Martin, Université de Montpellier et Jean-Marc Ferrandi, IAE Nantes – Le 17 avril 2023
Le consommateur français peut-il être considéré comme « responsable » ? La 1re édition du baromètre MARÉSON-Responsable de la consommation responsable, lancé par la Chaire MARÉSON (Marketing Responsable et Bien-être), apporte des éléments de réponse à cette question. Son objectif est de comprendre le comportement des Français et d’offrir des clés pour faciliter le passage à des solutions désirables, valorisables et valorisées.
Les résultats de l’étude, menée auprès de 1000 personnes représentatives de la population nationale âgées de 18 ans et plus qui ont été interrogées en juin 2022, montrent des comportements paradoxaux et enrichissent « l’attitude-behavior gap » (écart entre attitude et comportement) mis en évidence dans de nombreuses recherches.
Il existe en effet un contraste entre une prise de conscience sincère et l’adoption ferme de nouveaux comportements. De manière plus originale, les résultats soulignent également une attitude critique vis-à-vis des marques qu’ils jugent irresponsables, mais sans bonus alloué aux marques engagées. Finalement, l’attitude des consommateurs permet de distinguer des profils variés.
Avec la crise de la Covid-19 et les manifestations du changement climatique, de nombreuses personnes ont pris conscience de la nécessité de consommer de manière plus durable afin de préserver les ressources de la planète. Toutefois, d’après les résultats du baromètre, peu de consommateurs traduisent leurs préoccupations dans des modifications sensibles de leur consommation.
Les Français sont engagés pour la cause environnementale et le font savoir à leur manière en centrant leurs efforts sur la réduction du gaspillage, le recyclage et l’achat de produits locaux de saison. Ainsi, dans leur esprit, les notions d’environnement et de consommation durable sont corrélées. Pour 62,4 % des répondants, en effet, la consommation durable englobe l’aspect environnemental. Les Français montrent donc de vraies aspirations pour plus de durabilité. Pourtant, s’ils semblent prêts à s’engager, ils ne renoncent pas pour autant à consommer.
Ainsi, seulement 35,2 % des personnes interrogées ont affirmé moins consommer.
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En revanche, 64,8 % d’entre elles n’ont pas modifié leur comportement de consommation. Seules 16 % des personnes interrogées considèrent que la consommation durable induit une réduction de la consommation. 84 % des répondants ne considèrent donc pas la réduction de la consommation comme un facteur de consommation durable.
Le libre arbitre reste le mot clé du consommateur français : il n’est pas prêt à se priver, ne cherche pas à réduire sa consommation ni à renoncer à ses marques favorites.
Sa responsabilité n’est pas globale : seule une minorité de personnes accorde de l’importance aux critères de la santé et de l’éthique. Pourtant, ils sont près de 89 % à considérer que leur comportement respecte l’environnement.
À première vue, les offres durables sont en pleine expansion. Les consommateurs déclarent de plus en plus vouloir que les marques adoptent des comportements responsables. Pourtant, un paradoxe frustrant demeure au cœur de l’entreprise verte : seul un petit nombre de consommateurs déclarant des attitudes positives envers les produits et services respectueux de l’environnement sont prêts à mettre la main au portefeuille.
Les consommateurs restent ambigus, censeurs plutôt que moteurs : ils critiquent et sanctionnent les entreprises qui ne font pas d’efforts pour réduire leur impact environnemental (près de 76 % des répondants montrent leur mécontentement en manifestant ou en boycottant une marque si cette dernière rejette ses déchets dans l’environnement) mais n’encouragent pas véritablement les efforts salutaires des entreprises par leurs actes d’achat.
Pour que l’entreprise agroalimentaire soit perçue comme impliquée dans une alimentation durable, il est important, pour le consommateur, qu’elle ait une gestion des matières premières raisonnée (réduction des emballages, de la consommation de ressources, des pertes de matières premières, tout ceci grâce à l’amélioration continue), qu’elle donne des preuves du caractère vertueux de son process (fabrication à partir de matières premières locales, bien-être animal, soutien à une agriculture raisonnée, labellisation bio) et qu’elle soit éthique (prix juste, soutien aux agriculteurs, transparence).
Cependant, même si 65 % des Français ont déclaré vouloir acheter un produit fabriqué par une entreprise qui s’implique dans une politique de développement durable, ils sont seulement 21 % à le faire réellement.
Les résultats de l’observatoire ont par ailleurs permis de segmenter les consommateurs en fonction de leurs comportements en cinq profils en fonction de leurs préoccupations quotidiennes et de leurs modes de consommation : le « responsable », le « locavore consommant moins », le « non-équitable », le « plutôt locavore » et le « non-responsable ».
L’observatoire MARÉSON-Responsable distingue deux profils dans la partie ouest de la carte : le « non-responsable » (15,5 % des personnes interrogées) et le « plutôt locavore » (20,2 %). Le « non-responsable » déclare être indécis lors de ses achats. Il ne souhaite pas intégrer les enjeux du développement durable, qu’il perçoit comme une contrainte à sa consommation. De fait, sa consommation ne change pas et il ne fait pas d’efforts particuliers.
Le « plutôt locavore », lui, a un comportement d’achat impulsif, il achète souvent sur un coup de cœur pour satisfaire un désir momentané. Son bonheur est de court terme. Il ne cherche pas à réduire sa consommation et achète des produits qu’il ne va pas toujours consommer. Par ailleurs, il n’a pas conscience de l’empreinte carbone de sa consommation. Hormis ces deux groupes, tous consomment de façon responsable à leur manière.
Dans la partie est du graphique, trois profils viennent compléter l’étude : le « non-équitable », le « locavore consommant moins » et le « responsable ». Ils représentent respectivement 26,6 %, 25,8 % et 11,9 % des personnes interrogées.
Le « non-équitable » est un responsable un peu particulier. Il s’implique dans la consommation responsable mais n’en intègre pas toutes ses caractéristiques. Contrairement au « plutôt locavore », il a conscience de l’empreinte carbone de sa consommation et achète seulement les produits qu’il est certain de consommer.
Le « locavore consommant moins », quant à lui, adopte un comportement d’achat responsable réfléchi. Il s’informe avant d’acheter et connaît déjà les produits qu’il souhaite se procurer.
Enfin, le « responsable » est le profil le plus développé en termes de consommation responsable. Il a un comportement d’achat « eco-friendly » et organise son mode de vie global autour du développement durable.
Et vous, à quel profil de consommateur correspondez-vous ?
Finalement, le consommateur est aujourd’hui dans une phase d’apprentissage plus erratique que balisé, par manque de représentations concrètes. L’impact carbone n’a que peu de signification pour lui. Il a besoin d’informations, de preuves, de priorisation, de concrétisation et d’implication pour s’engager dans un véritable changement comportemental.
La question de la responsabilité des offreurs, des parties prenantes ou des consommateurs, est posée. Cette étude conduit donc à s’interroger sur les méthodes pédagogiques et les explications à fournir à chacun des acteurs pour faire évoluer les comportements vers un système de consommation durable.
Mathilde Hoareau, étudiante à l’Université de Montpellier, a apporté une grande contribution à la rédaction de cet article.
Marie-Christine Lichtlé, Professeur des Universités, Université de Montpellier; Anne Mione, Professeur de marketing stratégique, management de la qualité et stratégie, Université de Montpellier; Béatrice Siadou-Martin, Professeur des universités en sciences de gestion, Université de Montpellier et Jean-Marc Ferrandi, Professeur Marketing et Innovation à Oniris, IAE Nantes
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.