Le management de l’entreprise familiale ne peut pas ignorer la gestion des émotions, qui sont au cœur de sa raison d’être. C’est un défi pour tous, y compris pour le dirigeant de l’entreprise qui devrait pouvoir mobiliser une gestion stratégique des émotions.
L’entreprise familiale peut être appréhendée comme une organisation gouvernée et contrôlée par un groupe d’individus liés entre eux émotionnellement. La famille dans l’entreprise assure sa cohésion et son harmonie par l’émotion et son expression. Dès lors, la justification de l’intérêt qu’on peut porter aux affects dans l’entreprise familiale découle de la présence forte de ces liens, renforcés par l’existence de relations familiales. Si bien que ce type d’entreprise a pu être qualifiée « d’entreprise névrosée ».
La prise en compte de cette dimension est d’autant plus importante que ces affects ne concernent pas que les membres de la famille « strico sensu », mais peuvent englober d’autres personnes de la firme qui se sentent comme partie intégrante de la famille. Nous proposons la distinction suivante :
la famille (avec un f minuscule) pour désigner les membres familiaux, les consanguins et les pièces rapportées. C’est celle qui a été retenue par la littérature sur l’entreprise familiale ;
La Famille (avec un f majuscule) composée des membres de la famille et des membres non-familiaux dans un référentiel de propriété psychologique positive avec l’entreprise familiale.
Émotions et comportement organisationnel
Les émotions sont un facteur explicatif qui oriente les comportements organisationnels dans l’entreprise familiale. Appliqué aux décisions stratégiques, cela signifie que les dirigeants lors de la prise de décision sous-estiment les conséquences émotionnelles de celles-ci sur la Famille. Celle-ci constitue un groupe caractérisé par un stock émotionnel, qui est l’expression des affects individuels des membres de la Famille et d’un stock d’émotions partagées, partie commune aux émotions des différents sous-groupes composant le groupe Famille. Inclus dans le stock émotionnel global, sa valeur peut être positive ou négative.
Les changements stratégiques modifient la surface et la nature du stock émotionnel partagé et affectent d’une part, la carte d’identité émotionnelle de l’entreprise et d’autre part, la stabilité cognitive et émotionnelle des membres de la Famille. Deux aspects qui nécessitent une gouvernance adaptée afin que la pérennité de l’organisation ne soit pas mise en péril.
Pour cela, il convient d’abord de maintenir l’identité émotionnelle qui fait référence aux valeurs centrales, durables et distinctives de l’entreprise auxquelles les membres de la Famille s’identifient individuellement ou collectivement selon leur degré d’affectio-societatis. Il faut ensuite, éviter le désordre émotionnel où les émotions ressenties sont contradictoires au niveau individuel, ce qui se reflète sur la cohésion Familiale et peut conduire à son altération.
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Pilotage stratégique des émotions
Les émotions doivent faire l’objet d’un pilotage stratégique de la part du dirigeant. Comprendre les émotions implique de pouvoir anticiper leur évolution afin de les contrôler et de les réguler. Deux types de stratégies de régulation peuvent être envisagées : celles axées sur les antécédents et celles fondées sur les réponses.
La compétence émotionnelle la plus recherchée pour le dirigeant est l’utilisation stratégique des émotions. Cette compétence managériale vise l’activation d’états émotionnels en support avec les changements stratégiques proposés par exemple la fierté, la peur, la honte ou encore la tristesse…).
Le dirigeant émotionnellement intelligent intègre et utilise les émotions comme support à la prise de décisions, la résolution de problèmes et la gestion de ses équipes. L’intelligence émotionnelle en tant qu’intelligence adaptative lui permet d’accroître son agilité tactique et la flexibilité comportementale, outils essentiels pour piloter dans les contextes d’incertitudes et de changements.
Gérard Hirigoyen, Professeur émérite Sciences de Gestion, IAE Bordeaux
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.