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Faire triompher une candidature olympique, une affaire de pouvoir pour les villes – The Conversation

Frédéric Lassalle, IAE Dijon – Université de Bourgogne, Le 25 Juillet 2024

13 septembre 2017. Après trois échecs pour les éditions 1992, 2008 et 2012, Paris, seule ville candidate en lice, se voit officiellement confier l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques 2024 par le Comité international olympique (CIO).

Afin d’accueillir les plus grandes compétitions internationales, les pays ou les villes se portent candidats en dépensant parfois des sommes très importantes. Rien que pour candidater pour 2024, Paris avait déboursé un peu moins de 60 millions d’euros. Durant cette phase, chaque territoire tente de mettre en place des stratégies afin de pouvoir profiter des fortes retombées liées aux JOP. Le CIO, propriétaire de l’événement, reste ensuite souverain en termes d’attribution et de contrôle de l’organisation.

Sur quels critères ? Telle est la question qui a guidé notre recherche récente. Nous y montrons notamment qu’il est question de profils de pouvoir.

En France, entre 1900 et 2024, onze villes (Paris, Lyon, Lille, Annecy, Grenoble, Nice, Chamonix, Gérardmer, Luchon-Superbagnères, Albertville et Pelvoux-Écrins) se sont portées candidates pour organiser l’événement. Les vingt candidatures ont donné lieu à 6 victoires : trois olympiades d’été à Paris en 1900, 1924 et 2024 ; trois d’hiver : Chamonix 1924, Grenoble 1968 et Albertville 1992.

De mêmes profils de pouvoir

Plusieurs typologies du pouvoir existent. Nous nous sommes pour notre part fondés sur le modèle qui est probablement le plus répandu, celui proposé par le fondateur de la sociologie en Allemagne, Max Weber. Dans sa lignée, Robert Dahl a défini le pouvoir comme l’exercice d’une domination sur une organisation, de manière à engendrer un comportement qui ne serait pas obtenu sans cette influence.

Max Weber distingue trois types de domination selon qu’elle repose sur les traditions, le charisme d’un homme providentiel ou des règles comme dans une organisation bureaucratique. Y correspondent trois sources de pouvoir : le pouvoir traditionnel, le pouvoir charismatique et le pouvoir légal-rationnel. Peut-on à partir de ce schéma expliquer la victoire ou non d’une candidature à l’organisation d’un événement olympique ?

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Se confrontent deux désirs, ici des villes candidates de jouir de liberté pour organiser l’événement comme elles l’entendent, là du CIO, de voir cette liberté limitée afin de les contraindre à réaliser le cahier des charges de la compétition. Le pouvoir réside dans la marge de liberté dont dispose chacun des partenaires impliqués dans la relation. Selon les théoriciens, deux partenaires ne peuvent trouver un accord dans une relation que si l’une des parties fait une concession suffisante. Cette concession positionne la ville candidate en situation de dominé par rapport à l’institution internationale. Si cette concession n’est pas effectuée alors la relation ne peut exister.

En rencontrant des experts et en collectant documents internes et articles de presse internationale sur la période 1960-2019, nous avons pu identifier la forme de pouvoir exercée par le CIO. Il est identique à celui du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) dont la mission est de présenter la candidature d’une seule ville au CIO. C’est lui qui met en place un comité de candidature qui deviendra un comité d’organisation (Cojo) de l’événement. De 1968 à 1992, c’est un pouvoir fondé sur la personnalité qui est utilisé comme nous l’a expliqué un président de fédération olympique :

« Le président est l’organisation et l’organisation est le président. Le nom de Coubertin personnifie cette instance. »

Depuis 2004 et jusqu’en 2024 c’est davantage un pouvoir sur l’organisation qui est à l’œuvre. En témoigne un directeur général du CNOSF, en poste pendant 10 ans :

« Le CIO est une machine administrative avec ses procédures, ses règlements, son délai de traitement, ses règles et ses codes. Le respect du processus est essentiel. »

Compte tenu de ce résultat, puisqu’il n’est pas affaire d’inadéquation entre le CNOSF et le CIO, c’est au niveau des villes que va se jouer la potentielle réussite de la candidature.

Les résultats nous indiquent que certaines villes n’ont pas le même profil de pouvoir que le mouvement olympique. Ce fut le cas de Lyon 1968, Paris 1992, Paris 2008, Nice 2018 et Pelvoux-Écrins 2018. Aucune de ces candidatures n’ont été retenues par le CIO, voire n’ont même pas été présentées par le CNOSF au CIO. Deux profils de pouvoir différents ne peuvent pas mener à la victoire. Autrement dit, le mouvement olympique sélectionne un candidat avec les caractéristiques les plus susceptibles de supporter son pouvoir.

Des choix politiques aussi

Partager le profil de pouvoir du mouvement olympique ne suffit néanmoins pas. Certaines villes candidates, bien que répondant aux mêmes logiques n’ont pas été sélectionnées par le CNOSF (Lyon 2004, Annecy 2014, Grenoble 2014, Grenoble 2018), ou n’ont pas réussi à remporter la phase de candidature pour être désignées « ville hôte » (Lille 2004, Paris 2008, Paris 2012, Annecy 2018).

Cela peut s’expliquer par la concurrence d’autres candidats, au profil de pouvoir plus conforme à celui du mouvement olympique. Dans le cas des Jeux olympiques d’été de 2004, la ville de Lille (72,83 %) a été choisie au détriment de Lyon (54,37 %), mais ce choix s’explique par un profil de pouvoir plus « conforme » à celui du mouvement olympique. Comme le souligne un membre du CNOSF présent au moment du choix :

« Le dossier de Lille avait été pensé plus en amont et les échanges avec les membres de la candidature plus constructifs. Ils avaient compris les attentes et respecté plus scrupuleusement les règles. »

C’est également vrai dans le cas des JO d’hiver 2018 avec Annecy (70,53 %) au détriment de Grenoble (53,84 %). Confirmé également par un président de fédération olympique présent au moment du vote en présence du Président du CNOSF :

« Annecy, grâce à sa candidature sur les JO 2014, avait déjà mis en place les processus nécessaires pour être prête à répondre aux attentes du CIO. Ils connaissaient les codes, règles et habitudes de l’instance internationale. Il était donc normal qu’elle gagne la phase de sélection. »

C’est un peu différent de ce qu’il est advenu pour Annecy et Grenoble en 2014. Le CNOSF a alors choisi de ne pas porter les dossiers afin de ne pas handicaper la candidature de Paris 2012. Une double candidature, été et hiver, aurait pu conduire certains électeurs du CIO à choisir la candidature d’hiver 2014 au détriment de celle d’été 2012 pour la France, afin qu’un seul pays n’organise pas les deux événements. C’est ici un choix purement politique qui ne repose pas sur une analyse des ressources ou des dynamiques relationnelles.

Des chances pour les mauvais profils ?

Un autre fait qui interroge dans ce prisme sont les décisions du CNOSF de présenter au CIO une ville avec le mauvais profil de pouvoir. Avaient-elles une la moindre chance de gagner ? Nous avons examiné les comptes rendus d’élection disponibles sur le site du CIO. Les scrutins sont organisés de telle sorte qu’à chaque tour, une ville candidate est éliminée. Le processus se poursuit jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’une seule ville, à moins qu’une ville n’ait obtenu la majorité absolue ou relative lors des tours précédents.

Pour 1968, Lyon s’est classée 3e sur 4 candidats. La ville gagnante, Mexico, l’a emporté au premier tour de scrutin avec 3,5 fois plus de voix de plus que la capitale des Gaules. Pour Paris 1992, la ville se classe 2e sur 6 candidats. Barcelone, l’emporte au troisième tour de scrutin avec une majorité relative et 3 fois plus de voix de plus que Paris. Enfin, pour Paris 2008, la ville se classe 3e sur 5 candidats. Pékin s’impose au deuxième tour de scrutin avec une majorité relative et 4 fois plus de voix que Paris.

On peut donc dire que ces trois candidatures n’étaient pas proches de la victoire au vu des résultats du vote. Nous pouvons donc conclure qu’un mauvais profil de pouvoir bien qu’il puisse passer au niveau du CNOSF ne peut prétendre à obtenir la victoire finale pour l’organisation.

De nouvelles logiques à l’avenir ?

La limite de cette recherche est que nous ne savons pas si les villes françaises ayant le bon profil de pouvoir ont perdu à cause de profils de pouvoir identiques de villes étrangères victorieuses mais supérieurs en termes d’adéquation de pouvoir. L’étude s’est limitée à la campagne de candidature des villes françaises en raison d’un manque d’accès aux informations des candidatures étrangères.

Nous pouvons également nous interroger sur la pertinence actuelle d’identifier les profils de pouvoirs des candidats car le nombre de villes candidates a tendance à fortement diminuer sur les événements sportifs internationaux. Dans le cas des Jeux olympiques 2032, seule l’Australie avec sa capitale du Queensland, Brisbane, a été candidate devenant ainsi le 24 février 2021 « hôte préféré », selon la nouvelle procédure du CIO dite du « dialogue ciblé » pour contrer la diminution des candidatures. Brisbane a été officiellement désignée, le 21 juillet 2021, ville organisatrice. Pour les JO d’hiver de 2026, seules les candidatures de Milan et Stockholm s’affrontaient au moment du vote malgré des annonces multiples de villes souhaitant candidater mais n’allant pas au bout du processus, Calgary au Canada, Graz en Autriche, Sapporo au Japon, Sion en Suisse ou Erzurum en Turquie. Pour les JO d’hiver de 2030, seule la candidature des Alpes françaises a été retenue pour la nouvelle procédure du « dialogue ciblé ». Le statut d’organisateur, a été attribué officiellement par le CIO cette semaine, sous condition néanmoins d’avoir reçu les garanties financières de l’État avant le 31 décembre.

Frédéric Lassalle, Maître de Conférences en Sciences de gestion, IAE Dijon – Université de Bourgogne

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.


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