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En quoi les réseaux des expatriés français diffèrent-ils de ceux de leurs homologues allemands ? – The Conversation

Ulrike Mayrhofer, Université Côte d’Azur; Matthias Walther, Université Jean-Moulin Lyon 3 et Noémie Dominguez, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3

Le 28 février 2024

Sur quels réseaux s’appuyer lorsque l’on s’installe à l’étranger ? Skitterphoto / Pixabay, CC BY

Selon l’enquête Expat Insider 2023 d’InterNations, l’Allemagne et la France figurent parmi les premiers pays d’origine des expatriés dans le monde : l’Allemagne occupe la quatrième place (derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Inde) et la France la sixième place (devancée par l’Italie). Les deux pays constituent aussi des pays d’accueil attractifs en la matière, avec la première place pour l’Allemagne et la sixième place pour la France. Les données montrent par ailleurs que 82 % des expatriés sont diplômés de l’enseignement supérieur, avec une moyenne d’âge de 46 ans.

Près de 2,3 millions de Français et 3,9 millions d’Allemands vivent ainsi à l’étranger pour des motifs professionnels ou personnels. Ces derniers peuvent être envoyés par leur entreprise ou partir de leur propre initiative. Notre travail de recherche a tenté de mieux comprendre leur expérience et notamment les réseaux professionnels et personnels sur lesquels elle repose.

L’étude est fondée sur 40 entretiens semi-directifs menés avec des expatriés français et allemands ayant une formation d’ingénieur ou de management. Les uns comme les autres cherchent, pendant leur période de travail à l’étranger, à maintenir les relations construites avant l’expatriation et à en créer de nouvelles. Il semble néanmoins que les expatriés français attachent une importance particulière aux réseaux personnels quand les expatriés allemands se focalisent davantage sur les réseaux professionnels. Sans doute cela a-t-il partie liée avec les caractéristiques culturelles et le système d’enseignement supérieur de leur pays d’origine.

Pour la France, la force des réseaux d’alumni

La France se caractérise par une forte distance hiérarchique mais un contexte plus informel où les espaces professionnels et personnels s’entremêlent. Les relations personnelles peuvent dès lors jouer un rôle important dans les parcours professionnels, notamment entre les individus ayant suivi les mêmes formations.

Les expatriés français s’appuient plus particulièrement sur les réseaux construits durant leurs études supérieures, notamment dans les Grandes Ecoles qui gèrent des réseaux importants d’alumni. La vie associative qui leur est liée constitue un moyen de maintenir des relations mais aussi d’en créer plus simplement de nouvelles en arrivant à l’étranger, avec d’autres anciens déjà sur place. Nicolas, par exemple, diplômé d’une école d’ingénieur, souligne l’importance des expériences communes qui sont partagées entre les anciens camarades et qui font d’eux des amis pour la vie :

« Nous avons une histoire commune, une vie étudiante commune, des cours et des examens communs, des vacances communes, des fêtes communes. C’est la vie. »

Isabelle, diplômée d’une école de commerce, déclare, elle, avoir pu garder le contact avec ses anciens camarades grâce au groupe d’alumni qu’elle a rejoint en Allemagne :

« Notre école a un bon groupe d’anciens à Munich. Via notre école, le réseau est bien organisé. »

S’appuyer sur l’employeur côté allemand

En ce qui concerne les expatriés allemands, ceux-ci restent plutôt en contact avec des anciens collègues de travail et leur réseau relève davantage de leur responsabilité individuelle. Ils ont suivi leurs études d’ingénieur ou de management dans des universités qui proposent des formations plus théoriques ou des écoles de sciences appliquées (Fachhochschulen) qui sont plus orientées vers la pratique. Daniela, diplômée d’une université allemande, explique que c’est surtout grâce à son employeur qu’elle s’est intégrée à l’étranger :

« Comme l’entreprise était internationale, les salariés étaient envoyés à travers le monde entier. Déjà à travers la structure de l’entreprise, j’avais un réseau international. Et j’ai toujours essayé de garder le contact. »

Angela, diplômée d’une école de sciences appliquées, souligne en plus de cela l’importance de la destination choisie :

« New York, c’est aussi une belle destination de vacances. J’ai eu beaucoup d’invités. Lorsque vous êtes dans une ville intéressante, les gens pensent davantage à vous que lorsque vous êtes en Allemagne. »

L’Allemagne est plus globalement marquée par une plus faible distance hiérarchique mais une plus forte distinction entre les espaces professionnels et personnels. C’est aussi pourquoi les relations personnelles occupent une place moins importante dans les parcours professionnels tandis que la plus faible distance hiérarchique facilite le développement de relations professionnelles au sein des entreprises.

Accompagner les désirs d’ailleurs

Si les différences constatées entre la France et l’Allemagne sont donc prononcées, rappelons toutefois l’importance prises ces dernières années par les technologies numériques, qui facilitent la construction et le maintien des réseaux relationnels. De même qu’ils pourraient modifier les comportements des expatriés français et allemands, de même les systèmes d’enseignement supérieur évoluent et les réseaux d’alumni se multiplient aussi dans les universités de l’autre côté du Rhin.

Nos conclusions donnent néanmoins quelques clefs pour les entreprises : mieux vaut prendre en considération ces différences constatées pour mieux accompagner leurs expatriés durant leur période de travail à l’étranger et faciliter leur intégration au retour dans leur pays d’origine. D’autant qu’un sondage réalisé en décembre 2023 révèle que 30 % des Français envisagent de s’expatrier. Ce chiffre atteint même 54 % pour les 18-24 ans.

Ulrike Mayrhofer, Professeur des Universités à l’IAE Nice et Directrice du Laboratoire GRM, Université Côte d’Azur; Matthias Walther, Docteur en philosophie, Université Jean-Moulin Lyon 3 et Noémie Dominguez, Maître de Conférences en Sciences de Gestion, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.


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