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Dette de la France en hausse : est-ce un vrai problème ? – The Conversation

Ydriss Ziane, IAE Paris – Sorbonne Business School, Le 4 avril 2024

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En cette année électorale, un chiffre publié le 26 mars a fait l’effet d’un électrochoc dans le débat économique et politique. Il s’agit du déficit public de la France qui correspond à la différence entre le total des dépenses publiques et celui des recettes collectées par les impôts et taxes au cours d’une même année.

Son montant a atteint 154 milliards d’euros en 2023, soit 5,5 % du produit intérieur brut (PIB) qui mesure toute la richesse créée par l’économie et avoisine 2800 milliards d’euros en 2023. Le gouvernement tablait sur une progression de ce déficit de 4,9 % du PIB, après 4,8 % en 2022, 6,6 % en 2021 et 8,9 % en 2020, année exceptionnelle pour cause de crise sanitaire.

Dans le détail, le chiffre de 5,5 % pour 2023 n’est pourtant pas la résultante d’un dérapage incontrôlé des dépenses par rapport aux recettes, puisque les deux composantes du déficit diminuent en proportion du PIB. Mais les recettes ralentissent bien plus nettement (51,9 % du PIB en 2023 après 54 % en 2022) que les dépenses (57,3 % en 2023 contre 58,8 % en 2022). Aussi, le déficit se creuse mécaniquement.

 

En somme, le gouvernement dépense plus qu’il ne gagne, ce qui n’est pas nouveau puisqu’il faut remonter 50 ans en arrière, en 1974, pour trouver trace du dernier budget français à l’équilibre et donc d’un déficit nul. Depuis, les chocs pétroliers, la crise économique, le chômage de masse et un besoin croissant d’interventionnisme ont conduit l’État à augmenter ses dépenses.

Les déficits publics se sont donc accumulés au fil des ans et la somme totale de ces déséquilibres, que l’on appelle dette de la France, avoisine aujourd’hui 3 100 milliards d’euros, soit 110,6 % du PIB. L’État français est ainsi endetté à hauteur de plus d’une année de création de richesses, ce qui le contraint à faire appel aux marchés financiers pour lever des fonds qui lui coûtent cher quand les taux d’intérêt sont à la hausse, comme actuellement. Pour 2023, les seuls intérêts de cette dette représentaient plus de 50 milliards d’euros, soit le quatrième poste de dépenses après les armées (64 milliards), mais avant la transition écologique et la cohésion des territoires (41 milliards).


Pour satisfaire votre curiosité :


Cette dette est gérée par l’Agence France Trésor et financée par l’émission, chaque semaine, de titres sur les marchés financiers qui doivent être payés, intérêts compris, dans un délai qui varie de 13 semaines à 50 ans selon les titres. En totalité, cette dette a une échéance (ou maturité) moyenne de 8 ans, ce qui est peu, un atout. Néanmoins, cela ne veut pas dire que la France sera largement désendettée d’ici 8 ans, car s’opère un roulement : le pays se réendette pour payer ses dettes.

Les détenteurs de cette dette sont principalement, et de plus en plus, des investisseurs étrangers, mais aussi des assurances et des banques qui placent leur argent « sans risque » en considérant que la France est un des meilleurs emprunteurs possible dont les risques de faillite sont très limités. À l’image de ses domaines forestiers et viticoles, ou de ses clubs de football, la France est donc attractive par sa dette publique sur les marchés financiers, mais les détenteurs de celle-ci sont discrets et les informations rares sur les qualités et pays d’origine de ces investisseurs, à tout le moins prudents.

Ainsi les agences de notation internationales chargées de « noter » la dette française en fonction de son risque lui ont récemment conservé la notation « AA », la troisième meilleure note sur vingt-six (la meilleure étant « AAA » et la pire « D »), mais ont à nouveau assorti cette note d’une alerte pour « perspective négative », jusque-là sans réaction négative des marchés financiers, une chance. Certains pays font mieux avec le triple A (Allemagne, Australie, Canada, Danemark, Norvège, Pays-Bas, Suède, USA), mais la France est, comme le Royaume-Uni (AA), une très bonne signature en Europe en comparaison de l’Espagne (A) ou de l’Italie (BBB).

 

Il n’en reste pas moins que cette dette coûte de plus en plus cher et constitue un héritage qui pèse sur les générations futures, d’autant plus lorsqu’elle n’est pas pleinement utilisée pour financer des projets structurants de long terme dont ces générations futures pourraient bénéficier. Après la crise sanitaire et la guerre en Ukraine, l’État français a bien du mal à renouer avec le respect des critères du traité de Maastricht qui interdisent aux États de la zone euro d’avoir un déficit supérieur à 3 % du PIB et une dette supérieure à 60 % du PIB, même si ces critères sont récemment devenus plus flexibles.

On en est très loin et la tendance est négative, ce qui fait tache pour la deuxième économie de la zone euro. Le traité a bien été assoupli, en 2005, pour autoriser un dépassement de ces seuils, mais uniquement de façon « exceptionnelle et temporaire ». La France est donc un mauvais élève en Europe et perd de sa crédibilité. Le risque est surtout là, en termes d’image. L’adage dit qu’il existe deux façons de conquérir et d’asservir un pays : l’une est par l’épée, l’autre est par la dette. Dans un contexte inflationniste marqué et un agenda politique chargé à court et moyen terme, une remontée sensible des taux d’intérêt de l’emprunt français serait un coup dur pour notre économie à l’heure où l’Europe est en perte de vitesse.

Il y a donc une certaine urgence pour l’exécutif à agir dans le sens d’une réduction des dépenses, d’autant que les perspectives de croissance économique pour 2024 sont faibles, voire nulles, et qu’il ne faut donc pas compter sur une hausse automatique des recettes. Des coupes budgétaires ont été actées en urgence en février, pour dix milliards d’euros, dans les domaines de l’écologie, de l’emploi, de l’enseignement supérieur, de l’aide publique au développement, de l’aide au logement, mais aussi dans la police ou les prisons. Des choix critiquables qui ciblent des projets pourtant jugés prioritaires, alors que le gouvernement se refuse toujours à augmenter les impôts des plus hauts revenus et à taxer les « superprofits » des entreprises – deux ans seulement après le « quoi qu’il en coûte » et les centaines de milliards d’argent public injectés dans le secteur privé –, mais pour combien de temps encore ?

Ydriss Ziane, Maître de conférences de finance, IAE Paris – Sorbonne Business School

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.


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