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Comment réussir sa relocalisation en France ? – The Conversation

Catherine Mercier-Suissa, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3 et Daniel Suissa, Le 29 Janvier 2025

En imaginant des modes de production plus efficaces et moins coûteux, Atol et le groupe Lucibel réussissent à relocaliser leur production en France. Dusan Petkovic/Shutterstock

Entre 2009 et 2020, la France compte 144 relocalisations contre 466 délocalisations. Heureusement, certaines entreprises (re)transfèrent avec succès leurs activités dans l’Hexagone. Notamment la coopérative Atol et Lucibel, pionnière française du LED.


En ce mois de janvier 2025, sept nouveaux projets ont été soutenus par France 2030 pour renforcer ou relocaliser la production de 42 médicaments essentiels. L’objectif : réduire la dépendance aux importations, notamment de Chine ou d’Inde où sont produits 60 % et 80 % des principes actifs pharmaceutiques.

Aujourd’hui, le manque de foncier abordable, la hausse des prix de l’énergie, auxquels il faut rajouter le manque de main-d’œuvre disponible, constituent trois freins à la relocalisation. Certains industriels relèvent cependant ces défis. Ils font de la relocalisation une stratégie de développement rentable, proposant des produits Made in France en phase avec les attentes d’une grande partie des consommateurs.

Dans une étude sur Lucibel et Atol, nous analysons les conditions de réussite d’une relocalisation : nouvelle conception des produits, des « process » et des procédés, nouvelle organisation de la production et de la chaîne logistique.

Prix de l’éloignement

Au début des années 2000, les entreprises à capitaux étrangers ont contribué à près du tiers de la production manufacturière chinoise. Après l’engouement pour la production à l’étranger, les sociétés françaises constatent une hausse de leurs coûts liée à l’éloignement. Parmi les raisons, on trouve la hausse des salaires locaux, la suppression des subventions, des aides fiscales ou des délais de livraison allongés.

La distance créée d’autres complications. Pour éviter la contrefaçon, les malfaçons et les vols, des contrôles fastidieux sont mis en place. Enfin, les conditions de production peu éthiques nuisent à l’image de certaines entreprises qui relocalisent pour préserver leur réputation. Des produits délocalisés créent aussi des clients insatisfaits.

144 relocalisations contre 466 délocalisations

On dénombre 144 relocalisations contre 466 délocalisations entre 2009 et 2020. Elles concernent principalement l’industrie manufacturière, même si le Brexit a entraîné une petite dizaine de relocalisations dans le secteur bancaire et financier. En part de créations d’emplois, les relocalisations pèsent peu. Moins de 1 % des créations d’emplois sont industriel, alors que les délocalisations représentent 6,6 % des pertes d’emploi industriel. Une hausse des délocalisations début 2020 montre que la tendance à la relocalisation n’est pas acquise. Les entreprises rencontrent des obstacles majeurs pour revenir vers des circuits locaux : manque de foncier abordable, hausse des prix de l’énergie ou manque de main-d’œuvre disponible.

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Bien qu’elles soient encore relativement limitées, des initiatives françaises témoignent d’un effort coordonné pour soutenir la relocalisation. Elles incluent des aides financières directes et indirectes aux entreprises, ainsi que deux plans de financement. En 2010, la certification « Origine France Garantie » est lancée pour valoriser la production des entreprises françaises. Entre 2012 et 2014, le ministère du redressement productif développe des outils comme la plate-forme Colbert 2.0 pour réaliser les études de faisabilité des projets de relocalisation. Des événements annuels mettent en valeur la production française à l’instar des assises « Produire en France » en 2018 ou des « Rencontres du Made in France en 2024.

Atol et Lucibel : des relocalisations réussies

Certains industriels comme la société coopérative des opticiens Atol ou le groupe Lucibel réussissent à relocaliser leur production en France de manière durable. Comment ? En imaginant des modes de production plus efficaces et moins coûteux.

Pour améliorer sa compétitivité et se différencier de ses concurrents, Atol a créé des lunettes connectées assemblées dans son usine de Beaune. Ses composants électroniques sont fabriqués dans les Côtes–d’Armor. Le célèbre opticien a également inventé les lunettes « zéro vis », déformables sans soudures, proposant à ses clients une garantie à vie. Atol a automatisé la production en investissant dans la robotique et réorganisé le temps de travail, en passant à 2×8, puis à 3×8 pour réduire ses coûts et accroître la productivité.

Fondée en 2008, Lucibel conçoit et fabrique des produits et solutions d’éclairage de nouvelle génération issus de la technologie LED. Le groupe est pionnier dans les nouvelles applications permises par la LED au-delà de l’éclairage : l’accès à Internet par la lumière (LiFi), des produits cosmétiques et des lumières d’intérieur. Parce qu’en France en 2008, peu d’industriels connaissent la technologie LED, c’est à Shenzhen que Lucibel construit sa première usine. Mais confronté à des problèmes de qualité, des vols de ses technologies et des délais de livraison allongés, il décide en 2014 de relocaliser sa production en Normandie.

Innover, innover et encore innover

Pour être rentable, un re-ingineering complet à la fois des « process » et des produits est réalisé. La production est organisée par îlots. Contrairement à la Chine où les ouvriers travaillaient à la chaîne, ils sont responsabilisés et deviennent plus polyvalents. Cette mesure leur permet d’avoir un travail plus varié, de pouvoir remplacer plus facilement un collègue absent. L’entreprise arrive ainsi à diviser par trois le temps homme passé sur chaque produit par rapport à la Chine, réalisant de conséquents gains de productivité.

Les produits montent en gamme avec un positionnement « plus premium ». Les équipes R&D et fabrication sont désormais regroupées sur le même site.

« On a pu aller vite sur ces sujets d’innovation, car on était en France. La colocalisation des équipes sur le même site à Barentin nous a permis d’être plus efficaces et de monter en puissance »,

souligne Frédéric Granotier, le président-directeur général de Lucibel. Depuis, l’entreprise ne cesse d’innover avec 20 % de ses effectifs dédiés à la R&D.

En relocalisant, ces entreprises gagnent en créativité, en efficacité et en innovation. Pour les pouvoirs publics, il semble alors pertinent de renforcer les aides en lien avec l’innovation et de favoriser la (re)construction de filières : renforcer la coopération technologique distributeurs/fabricants/fournisseurs en favorisant l’achat local.

Catherine Mercier-Suissa, Professeure des Universités en sciences économiques, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3 et Daniel Suissa, Responsable pédagogique master management industriel

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.


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