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Athlétisme, gym, natation : qu’indique la répartition des médailles des JO 2024 de la mondialisation du sport ? – The Conversation

Jean-Christophe Gay, Université Côte d’Azur, Le 15 Août 2024

Les 17 jours de fête olympique viennent de s’achever et c’est l’heure des bilans. Nul doute que le « tableau des médailles », qui nous a tenus en haleine pendant plus de deux semaines, va être utilisé par certaines fédérations sportives et certains gouvernements pour vanter leur action. Il est devenu un outil géopolitique et un élément de soft power, à usage international, pour montrer la puissance des nations, et interne, pour vanter la politique des gouvernements.

 

On a pu constater aussi à quel point, dans l’analyse des résultats des différents pays, l’absence de la Russie, et accessoirement de la Biélorussie, a été passée sous silence ou presque. La première avait terminé quatrième au « tableau des médailles » à Londres en 2012 et à Rio en 2016, cinquième en 2021 sous le nom de « comité olympique russe ».

Cet événement universel censé rassembler l’humanité est, paradoxalement, un stupéfiant moment de bouffées chauvines. Drapeaux, hymnes, maillots, système de sélection, composition des jurys… tout cela nous rappelle en permanence le maillage étatique du Monde. Dans ce concert nationaliste, l’Union européenne n’existe pas.

Je n’aurai pas la prétention ici d’analyser l’ensemble des résultats en utilisant des outils sophistiqués. Je voudrais juste comparer sa distribution pour trois sports à la base du programme olympique depuis la rénovation des Jeux olympiques, en 1896, et considérés comme « universels » : l’athlétisme, la gymnastique artistique et rythmique et la natation (sans le plongeon et la natation synchronisée).

L’athlé, sport le plus mondialisé

Le classement des médailles est souvent discuté, réducteur dans son approche, puisqu’il ne prend en compte que les trois premiers, et incertain, car il met sur un pied d’égalité tous les sports, qu’ils soient individuels ou collectifs, que l’on soit seul ou toute une équipe sur le terrain. Cette métacompétition planétaire officieuse a pour premier critère le nombre de médailles d’or. Cela place le nageur français Léon Marchand, fort de ses quatre médailles d’or individuelles en natation, devant le Brésil ou l’Ukraine, qui n’en ont eu chacun que trois.

Si l’on veut vraiment évaluer la performance des États, il paraît donc nécessaire d’utiliser des critères plus pertinents. J’utilise ici les résultats des finalistes, ce que l’on appelle la placing table. Elle prend en compte les huit premiers dans chaque épreuve, en accordant huit points au vainqueur, sept au deuxième… et un point au huitième, ce qui permet d’avoir une approche plus fine que la simple comptabilisation des médailles.

Des trois sports analysés, le plus mondialisé est, de loin, l’athlétisme. Tous les continents sont représentés, même si demeurent des inégalités incontestables. Des pays des Sud font bonne figure, comme le Kenya, l’Éthiopie ou la Jamaïque (15 % des points obtenus à eux trois).

Le tableau a été élaboré par l’auteur de l’article

Il n’en va pas de même en natation et en gymnastique, sports dans lesquels les pays en voie de développement sont quasiment absents et ou quelques États écrasent les compétitions. Dans les bassins, malgré un système qui a tendance à défavoriser les nations les plus puissantes, puisque seuls deux nageurs d’une même équipe nationale sont sélectionnés par épreuve contre trois en athlétisme, les États-Unis et l’Australie ont dominé largement, en accumulant 32 % des points. En gymnastique, 29 % des points ont été obtenus par la Chine et les États-Unis. Lorsqu’on fait la somme des points acquis par les huit premiers États au classement de chacun des trois sports, on constate que ceux-ci ne totalisent que 53 % des points en athlétisme, contre 69 % en gymnastique et 74 % en natation.

Dans les stades plutôt que dans les bassins ou les gymnases

À l’évidence, l’athlétisme est le sport qui connaît la plus grande diffusion. Le poids de l’Afrique est particulièrement édifiant. Ses États ont obtenu 16 % des points en athlétisme, pas seulement dans les disciplines où ils brillent traditionnellement, en demi-fond et en fond avec les pays d’Afrique de l’Est (Kenya, Éthiopie et Ouganda). C’est le Botswanais Letsile Tebogo qui est devenu champion olympique sur 200 m. La Zambie, le Zimbabwe, l’Afrique du Sud ou le Liberia se sont aussi illustrés en sprint. En natation, en revanche, l’Afrique n’a gagné que 3 % des points, par deux pays seulement, l’Afrique du Sud et la Tunisie, et 2 % en gymnastique, avec l’Algérie uniquement grâce à la Kaylia Nemour qui portait les couleurs de la France jusqu’à un conflit avec la fédération.

 

La Caraïbe est aussi une région d’excellence athlétique, contrairement à la natation et à la gymnastique où ces îles sont absentes des classements, hormis un nageur des îles Caïmans, huitième du 50 m nage libre. Les athlètes de territoires caribéens représentés aux Jeux olympiques ont totalisé 9 % des points au Stade de France. On pense ici, en plus des Jamaïcains, sixième nation athlétique, à la Sainte-Lucienne Julien Alfred, championne olympique du 100 m et vice-championne olympique du 200 m, à la Dominiquaise Théa Lafond, championne olympique du triple saut, aux Grenadiens, Dominicains ou Trinidadiens.

Cette région du monde est un réservoir athlétique exceptionnel, comme le démontre, par exemple, la naturalisation d’athlètes cubains dans des pays européens. Trois ex-Cubains, ayant déserté leur pays pour l’Espagne, le Portugal et l’Italie, sont sur le podium du triple saut. On peut aussi noter que cinq des huit finalistes du triple saut féminin sont de la Caraïbe.

 

Jadis apanage des Étatsuniens et des Européens, les lancers sont de plus en plus mondialisés : le tiers des points obtenus provient d’Afrique, d’Asie, d’Océanie ou de la Caraïbe. C’est une Japonaise qui a gagné le javelot et une Néo-Zélandaise termine deuxième au poids. Mais c’est le concours du javelot pour homme qui est le plus significatif de ce phénomène, puisqu’un Pakistanais, Arshad Nadeem, est champion (et recordman) olympique, devançant l’Indien Neeraj Chopra et le Grenadien Anderson Peters. On trouve également parmi les finalistes de ce concours un Kenyan et un Trinidadien. Ce classement est impensable pour le moment dans les autres sports, notamment en natation ou en gymnastique.

Les sports de niche pour exister ?

Les résultats de la Chine, qui a terminé deuxième au « tableau des médailles », juste derrière les États-Unis, montrent que ce n’est pas dans un sport aussi concurrentiel que l’athlétisme que les efforts chinois se sont concentrés pour bien figurer aux Jeux. En athlétisme, la Chine ne termine que 12e, à égalité avec la Norvège et la France. En natation, l’Empire du Milieu est 3e, mais il est premier en gymnastique, alors que ce pays rafle tous les titres en tennis de table ou en plongeon, la majorité des titres en haltérophilie ou la moitié en tir, preuve que les sports de niche sont les meilleurs alliés des nations récemment intégrées à l’univers mondialisé de la compétition sportive en quête de reconnaissance.

Certes, on peut relativiser les résultats chinois en les mettant en regard avec le poids démographique de ce pays (1,41 milliard d’habitants), mais l’Inde, pays le plus peuplé du monde (1,42 milliard d’habitants), n’arrive qu’en 71e position au « tableau des médailles », n’ayant obtenu aucun titre olympique. À l’opposé, on peut être impressionné par le rendement des nations comme l’Australie (27 millions d’habitants) ou les Pays-Bas (18 millions d’habitants), respectivement quatrième et sixième au « tableau des médailles », et qui arrivent à se placer dans les meilleures nations en athlétisme et en natation.

Quant à la France, si elle termine à la cinquième place au « tableau des médailles », il faut relativiser l’enthousiasme général, n’obtenant qu’un titre de plus qu’aux Jeux olympiques d’Atlanta, en 1996, alors que la Russie cette année-là avait terminé deuxième et qu’il y avait moins de médailles décernées. Et quand bien même elle pulvérise son record de médailles et que le pays a brillé dans les sports collectifs, on peut regretter que ses équipes n’ont remporté que deux finales, celle du rugby à VII masculin et du volleyball masculin, sur sept jouées. Le résultat paraît médiocre en athlétisme, avec une seule médaille. Et si la natation a été plus brillante, c’est surtout grâce à un homme, Léon Marchand, qui a lui seul rapporte le tiers des points des nageurs et nageuses.

Il ne faudrait donc pas que les résultats positifs mais en trompe-l’œil de la France, pays hôte et donc favorisé, fassent oublier qu’il s’agit d’une nation à la culture athlétique réduite. Au-delà de l’enthousiasme suscité par ces Jeux très réussis, des efforts doivent être réalisés pour dynamiser la pratique physique, à la fois dans le souci d’améliorer l’excellence sportive, mais également et surtout dans un objectif de santé publique.

Jean-Christophe Gay, Agrégé de géographie, directeur scientifique de l’Institut du tourisme Côte d’Azur (ITCA), professeur des universités à l’IAE Nice, Unité de Recherches Migrations et Société, Université Côte d’Azur

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.


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