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Fosun : la maison mère du Club Med face au mur de la dette – The Conversation

Jérôme Caby, IAE Paris – Sorbonne Business School, 27 Octobre 2022

Connu en France pour ses participations dans le Club Méditerranée, le groupe de luxe Lanvin (qui comprend également les maisons Sergio Rossi ou Wolford) ou la margarine Saint-Hubert, Fosun, le conglomérat du milliardaire chinois Guo Guangchang, connaît des difficultés financières majeures. Ces difficultés récentes se sont d’ailleurs traduites par une dégradation importante de son cours boursier (-45 % en un an quand l’indice Hang Seng de la bourse de Hongkong baissait de 34 %).

Fondé en 1992 avec un siège social à Shanghai, une cotation boursière à Hongkong et une holding de tête dans les îles Vierges britanniques, le groupe s’est constitué par rachats successifs. Il est aujourd’hui présent dans de très nombreux domaines d’activité : finance, banque, assurance, sidérurgie, divertissement, tourisme, santé, etc. et emploie près de 96 000 personnes.

Une dégradation importante de la solvabilité

L’origine de ses difficultés est à rechercher du côté de la dégradation de sa situation financière avec une érosion de sa marge d’exploitation. Ce ratio, qui rapporte le résultat d’exploitation (issu de la production seulement) au chiffre d’affaires et mesure ainsi la performance opérationnelle devient négatif à partir de 2019. La rentabilité du conglomérat apparaît ainsi davantage d’ordre financier qu’économique, celle-ci étant dopée par un effet de levier, c’est-à-dire à un recours à l’endettement plutôt qu’aux capitaux propres pour financer ses investissements.

Cette situation se combine avec un chiffre d’affaires en forte croissance (+18 % en 2021). Cette hausse de l’activité nécessite d’accroître le recours à la dette et accentue la détérioration de la solvabilité de Fosun. La capacité de remboursement ne cesse ainsi de se dégrader avec une dette financière nette représentant 14,3 années d’ebitda (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) à la fin 2021, bien au-delà des 3 à 5 ans communément admis comme un maximum.

Cela a d’ailleurs conduit les agences de notation à placer les émissions de dettes de Fosun dans la catégorie spéculative, voire hautement spéculative : B1 pour Moody’s et BB – pour Standard & Poor’s. Comme le note Bloomberg, cela s’est traduit par une dégradation nette de la valorisation de certaines des émissions obligataires de Fosun qui pour certaines sont cotées à moins de 60 % de leur valeur faciale.

En outre, la liquidité même de Fosun pourrait être compromise selon Bloomberg car à la mi-septembre, Fosun International et les entités liées faisaient face à quelque 8 milliards de dollars d’obligations à échéance d’ici la fin de 2023. L’annonce, le 24 octobre, que Fosun mettait fin à sa relation avec Moody’s n’est pas non plus de nature à rassurer les investisseurs car ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on fait chuter la température.

La fin de l’effet de levier

Au cours de l’année 2022, Fosun s’est séparé de nombreux actifs pour un montant estimé à près de 5 milliards de dollars, selon le Financial Times. Fosun a ainsi annoncé le 19 octobre se séparer de sa participation de 60 % dans le groupe sidérurgiste Nanjing Iron & Steel Co pour 16 milliards de yuans, soit 2,26 milliards d’euros.

Dans sa dernière mise sous surveillance, Moody’s signale d’ailleurs la nécessité pour Fosun de lever des fonds soit par le biais de banques ou de ventes d’actifs pour répondre adéquatement à ses besoins de refinancement avec le risque de se séparer à prix cassés d’actifs intéressants dans une période économique incertaine. Et le groupe serait en négociation avec des banques chinoises pour obtenir une ligne de crédit de 2 milliards de dollars.

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Comme l’indique le Financial Times, Fosun est devenu un exemple des problèmes des entreprises qui sont surendettées. Le levier financier qui permettait jusqu’ici d’optimiser la rentabilité financière grâce à la dette pourrait se transformer en effet de massue et mettre en danger la pérennité des entreprises qui y ont eu trop recours.

En effet, ces entreprises ont bénéficié de deux phénomènes concomitants qui ont favorisé leur propension à l’endettement. D’une part, une croissance économique solide jusqu’à la pandémie du Covid-19 leur permettant de dégager des marges et une rentabilité confortables. D’autre part, des taux d’intérêt très faibles et un accès aisé à l’endettement favorisés par les politiques accommodantes des banques centrales. Mais cette situation a pris fin avec la dégradation généralisée des perspectives économiques et un resserrement des politiques monétaires pour lutter contre l’inflation se traduisant par un durcissement des conditions de financement, une hausse des taux d’intérêt et donc du coût de l’endettement.

On avait déjà pu constater que, parmi les entreprises les plus touchées par la crise du Covid-19, certaines avaient eu du mal à s’en relever en raison d’un usage intensif du levier financier. Ce problème pourrait s’étendre aujourd’hui à beaucoup plus d’entreprises qui font face à un effet ciseau. D’un côté, l’ensemble des secteurs sont touchés notamment par le renchérissement du prix de l’énergie qui dégrade leurs fondamentaux et de l’autre les conditions de financement se sont également détériorées pour toutes.

Jérôme Caby, Professeur des Universités, IAE Paris – Sorbonne Business School

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.


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